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Inde, Turquie, Russie: pourquoi les monnaies émergentes plongent?

Les monnaies émergentes pâtissent de la réduction d'injection de dollars américains sur les marchés.

Les monnaies émergentes pâtissent de la réduction d'injection de dollars américains sur les marchés. - -

Roupie, rouble, livre turque, rand sud-africain, hryvnia ukrainienne font face à une fulgurante perte de valeur en parallèle du changement de politique américaine. Pourquoi? Comment résoudre le problème?

La Réserve fédérale américaine a de nouveau abaissé le montant de ses rachats d'actifs de 10 milliards de dollars, ont indiqué ses gouverneurs mercredi 29 janvier. Désormais, elle acquerra pour 65 milliards de dollars de dette américaine et de crédits titrisés chaque mois.

Au lendemain de cette annonce, les devises émergentes s'effondrent encore plus face aux monnaies de référence. Un dommage collatéral: en réduisant son soutien massif à l'économie américaine, la Fed rend le loyer de l'argent plus intéressant. Ce qui renforce la fuite des capitaux de certains marchés émergents, comme l'Afrique du Sud, la Turquie, la Russie, l'Argentine, ou l'Ukraine.

"Quand la marée se retire, on voit qui n'a pas de maillot"

"Comme disait Warren Buffet, c'est quand la marée se retire qu'on voit ceux qui n'ont pas de maillot. On en est là. Ces liquidités qui se retirent font apparaître toutes les problématiques structurelles", explique Patrick Legland, responsable mondial de la recherche pour Société générale CIB, sur BFM Business.

La défiance des investisseurs vis-à-vis de ces pays ne date pas d'hier, rappelle-t-il. "L'indicateur de la peur pour les émergents, le Vix, qui mesure la volatilité des marchés financiers, a commencé à se tendre en mai 2013", souligne-t-il.

La fulgurante perte de valeur du rouble, de la roupie, du rand et de leurs consœurs résulte de "problèmes structurels", estime le spécialiste. "Les déficits, public et courant, se cumulent dans la majorité des pays émergents, la dette y a progressé entre 30 à 40% dans le secteur privé. La Chine, censée rassurer, fait peur sur sa dette…"

Les Banques centrales pompiers pyromanes

Les Banques centrales de ces pays tentent bien de contenir l'hémorragie, à base de traitements de cheval. La Réserve sud-africaine a annoncé ce jeudi un relèvement de son taux directeur à 5,5%. L'avant-veille, la Banque centrale turque doublait le sien, de 4,5 à 10%.

Plus tôt encore, l'Argentine, la Russie et l'Inde déployaient l'artillerie lourde, via le contrôle sur l'achat de devises, d'autres hausses de taux ou des injections de liquidités.

Des mesures à double tranchant. Cette remontée des taux, qui va automatiquement faire grimper les taux d'emprunt "va transformer tous les investissements peu ou pas rentables [effectués dans ces pays, NDLR] en créances douteuses", met en garde Patrick Legland.

En outre, ces mesures sont court-termistes. La valeur retrouvée de ces monnaies face au dollar et à l'euro s'est effacée très vite. Pour l'analyste, le seul moyen d'endiguer le phénomène serait "une forte volonté des gouvernants". Et de remarquer, pessimiste: "2014 est une année électorale dans la majorité des pays émergents".

N.G.