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Italie: Matteo Salvini va-t-il faire exploser la dette?

Favori des sondages, l’homme fort du gouvernement italien veut relancer le bras de fer avec Bruxelles sur la question des déficits. Au risque de plonger son pays dans un scénario à la grecque.

La rentrée européenne s’annonce mouvementée. Le Brexit sera évidemment un enjeu majeur mais Bruxelles aura aussi les yeux rivés vers la péninsule italienne, qui pourrait organiser des élections législatives particulièrement sensibles. La motion de censure, déposée par Matteo Salvini contre son propre gouvernement n’est pas encore actée puisque l’opposition tente de bloquer un nouveau scrutin qui pourrait bien s’apparenter à un plébiscite pour la Ligue.

Selon un sondage Ipsos, publié dans Le Corriere della Sera, le parti mené par l’actuel ministre de l’Intérieur se rapprocherait de la majorité absolue avec 297 sièges sur 618 à la Chambre des députés. En s’alliant avec les « Frères d'Italie », héritiers du fascisme, une coalition d’extrême-droite remporterait 358 sièges et donc la majorité absolue.

Cette option donnerait toutes les latitudes possibles à Matteo Salvini pour engager les réformes qu’il souhaite. Jusqu’à présent, sa coalition aussi improbable qu’éphémère avec le Mouvement 5 Étoiles tirait le pays dans tous les sens. Les deux partis s’opposaient sur de nombreux sujets, à commencer par la politique budgétaire du pays.

La dette, sujet de discorde du gouvernement italien

Alors que la dette italienne atteint des sommets, la Ligue n’a pas l’intention de réduire la voilure sur les dépenses publiques. Dans une interview publiée dans La Stampa, le porte-parole pour l'économie du parti, Claudio Borghi, évoque un déficit budgétaire à 2,8% du PIB pour 2020 contre 2,1% jusqu’à présent. En mai dernier, Bruxelles estimait que ce déficit se rapprocherait plutôt de 3,5%... « Il est clair que si nous voulons vraiment mettre de l’argent dans les poches des Italiens, nous ne pouvons pas aller en dessous de 2% », disait encore Matteo Salvini, juste avant son coup d’éclat, la semaine dernière. Mais cela risque d’être bien au-dessus.

La question du déficit était un sujet de discorde entre la Ligue et le Mouvements 5 Étoiles. Luigi di Maio a toujours préféré un discours plus souple vis-à-vis de l’Europe pour éviter de se mettre Bruxelles à dos. Débarrassé de son encombrant allié, Salvini aurait donc toutes les marges de manoeuvre possible pour imposer de nouvelles réformes. Refusant l'augmentation de la TVA, il s’autoriserait donc à augmenter les déficits, au risque de faire exploser la dette, qui culmine déjà à 134% du PIB. En Europe, seule la Grèce fait pire (180% du PIB).

Matteo Salvini face à une croissance atone

Sauf que la dette italienne est autrement plus dangereuse, vu les écarts de PIB ente les deux pays. En valeur absolue, la dette grecque s’établit à 337 milliards pour les Grecs conter 2350 milliards pour les Italiens. Et sans la volonté politique de réduire la voilure, difficile de voir la sortie du tunnel, avec un spread qui n’en finit plus de grimper. Une question hante désormais l’Europe entière : la zone euro peut-elle encaisser une crise de la dette publique italienne ?

D’autant plus que la coalition au pouvoir n’a pas su relancer la machine italienne, qui reste désespérément atone : 0% au deuxième trimestre contre 0,1% au premier. La récession guette. Le dernier indice PMI du secteur manufacturier, publié la semaine dernière, a de nouveau affiché une contraction (48,5). « Qu'il soit sincère ou non, Salvini fait des promesses intenables » a tranché l’ex-ministre italien de l'Économie, Pier Carlo Padoan, dans La Repubblica.

C’est un avis probablement partagé dans les couloirs de Bruxelles. Et un nouveau sujet d'inquiétude pour une Europe largement divisée.

Thomas LEROY