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Khashoggi: les Saoudiens agitent l'arme pétrolière

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L’affaire de la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi a maintenant des répercussions économiques mondiales

Il faut remonter au début des années 1970 pour retrouver une telle situation de tension ouverte entre Washington et Riyad. Samedi, le président américain Donald Trump a assuré que son pays infligerait à l’Arabie Saoudite « un châtiment sévère » si son implication dans la disparition de ce journaliste saoudien qui vivait en exil aux Etats Unis était avérée. Le conseiller économique de la Maison-Blanche Larry Kudlow a, ensuite, affirmé que dans ce cas « les conséquences seront néfastes » pour les Saoudiens. Le sénateur républicain Marco Rubio, parmi les plus en vue, exige une « révision complète » de la relation s’il est établi que l’Etat saoudien a tué Jamal Khashoggi. La vente d’armements devrait être alors, selon lui, suspendue par le Congres si l’exécutif n’agissait pas. Une hypthèse que Donald Trump semblait exclure : « ce serait idiot de ne plus leur vendre des armes, d’autres le feraient à notre place », mais le Congrès a les moyens de l’y contraindre.

Pour l’heure, le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin maintient sa venue au sommet économique de Riyad (23 au 25 octobre), baptisé le « Davos du désert » - destiné à être la vitrine du plan national de modernisation Vision 2030. On constate, en revanche, que des dirigeants de multinationales américaines, comme JP Morgan, Ford ou Uber, annulent leur participation. De grands médias anglo-américains, partenaires de l’événement, le font aussi.

Au-delà, l’ensemble de ceux qui sont impliqués dans les grands projets d’infrastructures et de modernisation du royaume en payent le prix. Le géant technologique japonais Softbank en fait partie, le tire Softbank a perdu plus de 7% à la bourse de Tokyo. Dimanche la bourse de Ryad connaissait une séance comme elle n’en avait pas connu depuis 2014, effaçant 50 milliards de dollars de capitalisation boursière.

Riposte saoudienne

La diplomatie saoudienne veille à ne pas prendre les Etats-Unis de front. Son ambassade à Washington remercie même le gouvernement Trump de s’être abstenu de tirer des conclusions du dossier en cours d’enquête. Mais cela n’empêche pas Riyad de commencer à appuyer là où cela peut faire mal. C’est une dépêche de l’agence de presse officielle SPA qui a fixé le ton. Un haut responsable, non identifié, prévient qu’en cas de sanctions le royaume répondra avec « de plus grandes sanctions ». Il ajoute: « L’économie saoudienne a un rôle vital pour l’économie mondiale ». Le terme de pétrole n’est pas employé, cependant chacun aura compris.

Turki Aldakhil, personnalité importante dans l’espace médiatique saoudien, exprime cette mise en garde sans détour. Le directeur de la chaine Al Arabiya juge que les Etats-Unis se « poignarderaient », Riyad étant « la capitale du pétrole ». Le propos est souligné : si l’Arabie Saoudite venait à réduire sa production, « un cours à 100 dollars, 200 ou même le double n’est pas à écarter ». Il voit plus loin encore : ce pétrole pourrait être libellé en yuans chinois et le royaume saoudien chercherait ses équipements militaires auprès de la Russie et de la Chine.

Quels soutiens pour Ryad ?

Avant une mise à exécution de ces menaces encore tout à fait hypothétiques, Riyad a décidé de compter ses soutiens. Ces dernières heures, on y rapporte les expressions d’amitié de certains gouvernements et institutions arabes. Comme celle-ci formulée par le prince héritier de Dubaï Hamdane ben Mohammed Al Maktoum : « L’Arabie Saoudite est la mère et le père des pays du Golfe ». On fait également état de toute marque appuyée de solidarité en provenance d’organisations du monde musulman. Et puis, il y a la riposte qui s’engage envers ceux qui, aux Etats-Unis, se détournent. Un homme d’affaires de premier plan aux Emirats arabes unis, Khalaf Ahmad Al-Habtoor, réclame le boycott de toute entreprise américaine qui se retire du « Davos du désert ».