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L'Europe ne veut plus être naïve face aux convoitises des entreprises étrangères

L'UE a présenté ce mercredi son plan pour mieux protéger son industrie de la concurrence déloyale des entreprises étrangères, en particulier chinoises.

La crise du coronavirus a fragilisé bon nombre d'entreprises européennes qui deviennent des proies faciles pour des groupes étrangers, notamment chinois.

Et des voix s'élèvent à nouveau pour dénoncer la naïveté de l'UE qui interdit en temps normal les subventions d'Etat pour soutenir les entreprises alors que les géants chinois profitent d'aides directes de Pékin pour attaquer leurs concurrents européens.

Un message qui depuis plusieurs mois trouve écho à Bruxelles. La Commission européenne a ainsi annoncé ce mercredi se concentrer sur la création de nouveaux outils pour mieux répondre aux appétits étrangers sur son marché.

Proposition législative en 2021

"L'Europe est une économie ouverte et étroitement interconnectée au reste du monde. Pour que cela reste une force, nous devons être vigilants", a déclaré la vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge de la concurrence, Margrethe Vestager, citée dans un communiquée.

En clair: finie la naïveté. "Nous avons besoin des bons outils pour nous assurer que des entreprises étrangères subventionnées ne faussent pas la concurrence sur le marché européen, exactement comme nous le faisons déjà en contrôlant les aides d'Etat nationales accordées aux entreprises de l'UE", a ajouté l'ex-ministre danoise de l'Economie. 

Avec le Commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, elle a présenté à Bruxelles "un livre blanc", qui devrait être suivi en 2021 d'une proposition législative. Une consultation publique sera lancée jusqu'au 23 septembre, pour aider la Commission à préparer ces nouveaux instruments. Dans son livre blanc, l'exécutif européen détaille déjà un certain nombre de solutions envisagées.

3 mesures envisagées

Premièrement: s'il est avéré qu'une entreprise étrangère subventionnée à un effet néfaste sur la concurrence du marché européen, les autorités nationales de la concurrence ou la Commission pourraient imposer des mesures. Il s'agirait par exemple d'exiger des paiements compensatoires.

Deuxièmement: la Commission veut empêcher que des entreprises étrangères, largement financées par des Etats, n'achètent des sociétés européennes fragiles ou n'acquièrent une participation significative dans leur capital.

A partir d'un certain montant, dont le seuil n'est pas mentionné dans le communiqué, les sociétés étrangères devront notifier leur acquisition à la Commission. Si cette dernière estime la concurrence en danger, elle pourrait interdire cette acquisition.

Troisièmement: l'exécutif européen entend également intervenir quand une compagnie étrangère largement subventionnée risque de gagner un appel d'offres pour un marché public dans l'UE au nez et à la barbe d'entreprises européennes, en proposant des prix bien plus avantageux.

La future présidence allemande de l'UE veut aller plus loin

Bruxelles propose que ces sociétés étrangères notifient en amont les aides dont elles bénéficient de la part de leur Etat. Et s'il est avéré que ces aides faussent la concurrence, la compagnie étrangère pourrait être exclue de l'appel d'offres.

Sur BFM Business, Nikolaus Meyer-Landrut, ambassadeur d'Allemagne en France, salue ce mercredi "la prise de conscience" de l'UE depuis "un an et demi" à ce sujet. "Pour la présidence allemande (de l'UE, NDLR) qui commence en juillet, la question chinoise est importante". 

Un sommet à la fin de l'année est programmé pour "traiter avec les Chinois des questions de protection de l'investissement, d'indication géographique, des marchés publics. (...) Il y a un nouvel équilibre à trouver". Et de souligner qu'il s'agit d'un "sujet majeur" notamment pour "l'industrie allemande".

Pour autant, l'assouplissement des règles européennes concernant les aides d'Etats, qui ont permis le déblocage de prêts massifs pour Renault, Air France ou encore Lufthansa, ne pourrait être que provisoire, estime l'ambassadeur. "Peut-être dans deux - trois ans ces règles reviendront vers la normale, c'est quand même une situation exceptionnelle", souligne-t-il

Olivier Chicheportiche avec AFP