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L'Italie adopte enfin son budget

La Commission européenne craint de nouvelles discussions compliquées avec le gouvernement italien.

La Commission européenne craint de nouvelles discussions compliquées avec le gouvernement italien. - Aris Oikonomou - AFP

Les députés italiens ont adopté le texte fruit d'un intense bras de fer avec Bruxelles

Les députés italiens ont approuvé le budget 2019, dans une ambiance tendue, en votant la confiance au gouvernement de coalition. Le texte, issu d'un long bras de fer avec la Commission européenne a été validé par 327 voix pour, 228 voix contre et une abstention. Il prévoit un déficit public à 2,04% du Produit intérieur brut (PIB), contre 2,4% au départ. La prévision de croissance 2019 a été abaissée à 1%, au lieu de 1,5%.

Le Parti Démocrate (centre gauche) déposé un recours devant le Conseil constitutionnel du fait de la brièveté des débats parlementaires, et dans l'hémicycle, les députés de Forza Italia (FI, droite), le parti de Silvio Berlusconi, ont endossé des gilets bleus proclamant « Stop aux impôts », « Pas touche aux associations », « Pas touche aux retraites ». « A partir de janvier, ces mêmes gilets bleus seront dans les rues de toutes les villes pour continuer la mobilisation contre le gouvernement, au côté de l'autre Italie, l'Italie sérieuse et travailleuse encore une fois pénalisée », a promis M. Berlusconi dans un communiqué.

Promesses en partie tenues

Comme promis, le budget prévoit le revenu de citoyenneté promis par le M5S, l'abaissement de l'âge de la retraite et la diminution des impôts des auto-entreprises, deux mesures voulues par la Ligue. Mais son vaste plan d'investissement a été revu à la baisse, faute de moyens, et au total les impôts sur les sociétés seront en hausse, y compris pour celles à but non lucratif, même si le gouvernement s'est engagé à revenir dès janvier sur cette dernière mesure qui a fait scandale. « La nécessité d'éviter la procédure d'infraction (...) nous a obligés à arriver dans la zone Cesarini », a expliqué le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, en référence à un footballeur des années 1930 resté célèbre pour ses buts en toute fin de match. « Il n'y a pas eu de volonté délibérée de la part du gouvernement d'éviter une discussion et de comprimer la durée du débat parlementaire », a-t-il ajouté, en assurant que le budget avait bien été rédigé « en Italie » et non à Bruxelles comme l'assure l'opposition.

La fin d'un long bras de fer

La fin de l'année avait été tendue entre l’Italie et l’Union européenne. Tout commence au début de l’automne quand la coalition populiste au pouvoir annonce, lors de la présentation de son budget 2019, 37 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, et un déficit public à 2,4% de son Produit intérieur brut (PIB) alors que le précédent gouvernement italien l’avait prévu à 0,8% seulement.

Le 23 octobre, la Commission européenne rejette officiellement ce projet de loi de finances, avant d'ouvrir la voie à de possibles sanctions financières. Le gouvernement italien refuse, dans un premier temps, de céder aux injonctions de Bruxelles et décide de violer ouvertement les règles du Pacte de stabilité, tout en multipliant les provocations. « Les ennemis de l'Europe sont retranchés dans le bunker de Bruxelles. Juncker et Moscovici sont à l'origine de la peur et de l'insécurité de l'emploi en Europe », attaque le vice premier ministre italien Matteo Salvini (La Ligue).

Mais les marchés s’inquiètent et l’Italie voit ses taux d'intérêt monter sur le marché obligataire, risquant de rendre insoutenable le service de la dette, qui dépasse déjà les 130 % du PIB. Par ailleurs, l’ouverture d’une procédure pour déficits excessifs au titre de sa dette expose le pays à des sanctions. Après avoir travaillé « nuit et jour » à un accord, Rome accepte finalement un compromis : l'accord prévoit 10,25 milliards d'euros d'économies budgétaires, notamment grâce à la moindre ampleur des deux principales mesures du gouvernement italien - la réforme des retraites et le revenu de citoyenneté - mais aussi grâce à la réduction de certains investissements et à l’augmentation de la taxe sur les paris sportifs.

Soulagement à Bruxelles

 « L’intelligence et le sens de l’intérêt général ont prévalu », salue alors Pierre Moscovici, le Commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires. « Nous avons fait la démonstration forte que nos règles fonctionnent pour rétablir le sérieux budgétaire » dans les États membres, ajoute l’ancien ministre des finances français. De son côté, le gouvernement italien fait mine d’avoir limité les concessions. « Rome a négocié un chiffre (du déficit) plus haut que ce que l'Europe jugeait approprié », et « sans jamais reculer par rapport aux objectifs », assure le président du Conseil Giuseppe Conte.

C’est en tout cas un soulagement pour la Commission européenne. Le dossier était explosif, à quelques mois des élections européennes et à l’heure où les mouvements populistes ont le vent en poupe. La fin de ce bras de fer va lui faciliter la gestion du creusement annoncé du déficit français : Matteo Salvini, et l’autre vice Premier ministre Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles) ne pourront pas accuser Bruxelles de faire « deux poids deux mesures » dans ce dossier.