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L'UE compte sur les jeans et le Bourbon pour faire mal à Trump

Une manufacture de Bourbon dans le Kentucky, l'un des États américains où Donald Trump compte le plus de fervents supporters.

Une manufacture de Bourbon dans le Kentucky, l'un des États américains où Donald Trump compte le plus de fervents supporters. - Luke Sharrett - AFP

Bruxelles a présenté une stratégie de riposte face aux taxes douanières promises par Donald Trump sur l'acier et l'aluminium. Les premières mesures prendraient effet sous trois mois, avec pour but assumé de faire mal politiquement au président américain.

L'Europe, dont l'industrie sidérurgiste serait très pénalisée par des taxes sur l'importation d'acier et d'aluminium aux États-Unis, a présenté ce jeudi sa riposte. La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström qui détaillait ce plan d'attaque "espère toujours que l'Europe sera exemptée" des droits de douane de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium annoncés par Donald Trump la semaine passée.

Le cas échéant, Bruxelles prendrait des mesures dites "de rééquilibrage" afin de compenser en valeur le dommage subi. Le tout en accord -insiste-t-elle- avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Les premières mesures de rétorsion entreraient en vigueur dans trois mois, avant de dégainer des armes de plus en plus lourdes au fur et à mesure.

> Taxer les produits manufacturés par les partisans de Trump

Dans un premier temps donc, l'Union instaurerait ses propres taxes à l'importation sur des produits américains. Des produits spécifiquement choisis pour envoyer un message politique à Donald Trump: par exemple, ceux d'entreprises les fabriquant dans les États les plus favorables au président américain.

"Une liste provisoire est en discussion" a indiqué Cecilia Malmström, et ne pourra être rendue publique que lorsque les États-Unis auront formulé des annonces officielles. Elle ne mentionne pas de nom d'entreprise mais utilise une nomenclature douanière plus générale: "pantalons, de travail, de coton, pour hommes". Y figurent "des produits en acier, industriels et agricoles. Certains types de bourbon en font partie ainsi que d'autres articles comme le beurre de cacahuète, les airelles et le jus d'orange", a-t-elle précisé.

La Commission évoquait la semaine dernière des marques emblématiques comme Harley-Davidson et Levi's, ainsi que le bourbon. Ces mesures s'appliqueraient sous trois mois.

> L'artillerie lourde pour l'industrie sidérurgiste

Outre les mesures de rétorsion, l'UE pourrait également mettre en place en quelques semaines des mesures dites de "sauvegarde" pour protéger son industrie. Cela consisterait à restreindre temporairement les importations européennes d'acier et d'aluminium pour préserver les deux branches concernées des flux étrangers, comme l'autorise l'OMC.

> Le reste du monde contre les États-Unis

En dernier recours, Bruxelles déposera avec les autres pays concernés -y compris la Chine, premier producteur mondial et régulièrement accusée de subventionner sa production- une plainte commune devant l'OMC, une procédure qui prend généralement deux ans.

À un journaliste qui l'interrogeait sur les potentielles réponses européennes, Donald Trump a rétorqué: "ils peuvent faire ce qu'ils veulent mais, s'ils le font, on mettra alors une grosse taxe de 25% sur leurs voitures et, croyez-moi, ils ne continueront pas à le faire très longtemps".

Son secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a de son côté affirmé ce mercredi sur CNBC que les États-Unis ne cherchaient pas une "guerre commerciale" et que la décision d'appliquer des taxes à l'importation d'acier et d'aluminium avait été "mûrement réfléchie".

Quelques minutes après son intervention, le département américain du commerce publiait un déficit commercial américain qui a connu une nouvelle poussée en janvier, notamment vis-à-vis de la Chine. Il s'est creusé de 5% en un mois pour s'établir à 56,6 milliards de dollars, soit son niveau le plus élevé depuis neuf ans.

Ce que perdrait l'Europe en cas d'instauration de taxes douanières

Les Européens exportent environ pour 5 milliards d'euros d'acier et pour 1 milliard d'euros d'aluminium chaque année vers les Etats-Unis. Les mesures américaines, jugées protectionnistes par l'UE, pourraient leur porter préjudice à hauteur de 2,8 milliards d'euros, selon les calculs de la Commission. Tout en compliquant l'accès au marché américain pour les sidérurgistes européens, les taxes de Donald Trump pourraient aussi détourner vers l'Europe la production étrangère qui ne trouverait plus de débouchés aux Etats-Unis.

Nina Godart avec AFP