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L’UE renforce son arsenal face aux appétits chinois

Les députés du Parlement européen en session plénière à Strasbourg le 13 février 2019.

Les députés du Parlement européen en session plénière à Strasbourg le 13 février 2019. - FREDERICK FLORIN / AFP

A la suite du vote du Parlement européen ce jeudi, l'UE s'apprête à mettre en place un mécanisme de filtrage pour surveiller de plus près les investissements directs étrangers et notamment chinois.

Le Parlement européen a approuvé ce jeudi un mécanisme de filtrage dont l’objectif est de surveiller les investissements directs étrangers (IDE) et de vérifier qu’ils ne mettent pas en danger les industries (eau, transport, communication, etc.) et les technologies (semi-conducteurs, intelligence artificielle, robotique, etc.) les plus stratégiques de l’UE.

« Nous voulons que l'Europe conserve le régime d'investissement le plus ouvert au monde, mais nous devons aussi défendre les intérêts stratégiques de l'Europe, et pour cela un examen approfondi est nécessaire avant toute acquisition par des entreprises étrangères qui ciblent des actifs stratégiques européens » s'est félicité le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Système de filtrage européen

« Pour la première fois, les États membres et la Commission auront la possibilité de faire face collectivement aux risques potentiels pour leur sécurité et l'ordre public » a renchérit la commissaire européenne chargée du commerce, Cecilia Malmström.

En effet, l’Union européenne était la seule grande puissance économique à ne pas posséder ce type de mécanisme. Depuis 1975, les Etats-Unis se sont munis du CFIUS et seuls 14 pays européens sur 27, dont la France, en sont pourvus. L’intérêt de cette proposition européenne est donc de combler le vide dans les Etats restants : « Un investissement étranger dans un pays membre peut avoir un impact sur toute l’Europe. Tous devront être vigilants. Mais si on veut être efficace, la dimension européenne doit être prise en compte » affirme Franck Proust, eurodéputé LR et rapporteur du texte à Strasbourg.

Cet texte n’a rien de contraignant. L’idée est de discuter entre Etats membres et de pouvoir démontrer qu’un investissement étranger peut être dangereux pour l’ordre ou la sécurité de l'UE. « L'Etat membre reste maître de sa décision et gardera le pouvoir final d’autoriser un investissement, mais il ne pourra plus dire qu’il ne savait pas » précise Franck Proust. « Et si l’Etat se montre sourd aux arguments de ses partenaires, ça peut se retourner contre lui au prochain coup » ajoute-il.

« On revient de très loin »

Au départ, l’enthousiasme de voir se créer un mécanisme de filtrage était plus que mesuré au sein de l'UE : « on revient de très loin, l’accueil fut glacial » se souvient Franck Proust. Les pays les plus rétifs à la mise en place de cette directive étaient la Grèce et le Portugal, qui, après avoir été durement frappés par la crise, sont preneurs d’investissements étrangers. La Bulgarie et la Roumanie, les deux Etats les plus pauvres de l’UE, avaient aussi reçu la proposition froidement.

Le changement de ton opéré en Allemagne sur la question des prises de participations étrangères dans leurs entreprises stratégiques a été déterminant pour mener à un consensus sur la question au sein du Conseil européen. Quand, en 2016, les Chinois se sont emparé de leur pépite Kuka, le spécialiste des bras articulés intelligents, « les Allemands ont montré une oreille plus attentive et se sont transformés en véritables partenaires sur le dossier » confie Franck Proust.

L'UE possède l'un des régimes d'investissement les plus ouverts au monde, et est la principale destination des investissements directs étrangers dans le monde : les stocks d'investissements directs étrangers détenus par des investisseurs de pays tiers s'élevaient à 6 295 milliards d'euros à la fin 2017, selon les chiffres de la Commission européenne.

Arsenal anti-dumping

Ce mécanisme de filtrage est le dernier outil mis en place par l’UE pour se protéger davantage, alors que les investissements chinois ont été multipliés par six ces vingt dernières années, ciblant notamment des secteurs de haute technologie ou des entreprises ayant un lien avec les gouvernements.

L’année dernière, l'UE s’est dotée d’un arsenal antidumping plus performant : les enquêtes de la Commission pour soupçons de dumping ont été raccourcies et les taxes aux importations, une fois le dumping avéré, ont, elles, été augmentées.

« Ce sont les symboles de la prise de conscience des Européens que le monde qui les entoure n’est pas rempli seulement d’investisseurs aux objectifs bienveillants » se félicite Franck Proust.

En revanche, la négociation de l’accord d’investissement entre l’UE et la Chine patine. Pékin ne semble pour l’instant guère prête à céder aux Européens un meilleur accès à son marché et notamment à ses commandes publiques.