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La BCE n'a aucune intention d'annuler les dettes publiques liées à la crise du coronavirus

La Cour constitutionnelle allemande a lancé la semaine dernière un ultimatum à l'institut chargé de piloter la politique monétaire en zone euro, en lui demandant de justifier ses décisions dans un délai de trois mois.

La Cour constitutionnelle allemande a lancé la semaine dernière un ultimatum à l'institut chargé de piloter la politique monétaire en zone euro, en lui demandant de justifier ses décisions dans un délai de trois mois. - Pixabay

"J'entends le débat, en France, sur l'annulation des dettes détenues par la banque centrale, mais ce n'est pas une option pour la BCE", déclare Fabio Panetta, membre du directoire de la banque centrale européenne.

La Banque centrale européenne a écarté mardi l'option d'une annulation de la dette d'Etats qu'elle détient en portefeuille, une idée suggérée par certains économistes pour faire face à l'impact de la pandémie de coronavirus.

"J'entends le débat, en France, sur l'annulation des dettes détenues par la banque centrale, mais ce n'est pas une option pour la BCE", déclare Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, dans une interview accordée au quotidien Le Monde.

Au-delà des contraintes légales interdisant une telle pratique, "les citoyens risqueraient de perdre confiance dans la monnaie", et cela se "terminerait en désordre financier", explique le banquier central italien. 

La crainte de l'hyperinflation

Ce dernier ne veut pas que se renouvelle l'expérience de l'Allemagne des années 1920, période d'hyperinflation durant laquelle les citoyens devaient "transporter des billets dans des brouettes parce que la monnaie avait perdu sa valeur". 

"Ce n'est pas la façon de créer de la prospérité", et c'est "pour cela que les traités interdisent le financement monétaire", conclut Fabio Panetta.

Au moment où les Etats en zone euro doivent s'endetter massivement en réponse à une récession sans précédent causée par la pandémie du coronavirus, la BCE a elle augmenté de 600 milliards d'euros son programme d'urgence pour racheter des obligations publiques et privées, doté initialement de 750 milliards d'euros. Soit 1.350 milliards d'euros de rachats de dettes publiques et privées en tout.

Débat intense

Or, le Traité sur le fonctionnement de l'UE interdit à l'institution gardienne de l'euro d'annuler le remboursement à échéance d'obligations souveraines qu'elle détient en portefeuille.

La question d'une annulation de la dette par la BCE a nourri ces derniers temps un abondant débat en France, à l'image d'une tribune publiée dans Le Monde le 12 juin où une députée européenne et six économistes ont prôné l'annulation des dettes publiques rachetées depuis 2015 par la BCE, soit 2.320 milliards d'euros pour l'ensemble de l'UE, dont 457 milliards d'euros pour la France, à fin mai 2020.

L'Assemblée nationale a elle rejeté début juin une proposition de résolution de la France insoumise prônant "le rachat de la dette publique par la Banque centrale européenne", le gouvernement pointant des problèmes d'ordre "économique et politique" et une proposition "anachronique".

Pour certains économistes, le débat sur l'annulation des dettes publiques est d'ailleurs dépassé. "L'annulation de dettes, cela existe déjà!" soulignait ainsi récemment sur BFM Business André Lévy-Lang, directeur de l'institut Louis Bachelier et professeur à l'université Paris-Dauphine. "Quand la banque centrale achète des obligations d'Etat, elle crée de la monnaie sans contrepartie et donc la dette de l'Etat à l'égard de la Banque centrale existe sur le papier seulement. (…) De fait, c'est une dette perpétuelle."

"Si la BCE achète cette dette de façon irréversible, c'est-à-dire ne la revend jamais dans le futur, (…) en réalité, c'est la même chose que d'annuler cette dette" renchérissait de son côté Patrick Artus, chef économiste et membre du comité exécutif de Natixis.

TL avec l'AFP