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La Bundesbank donne de la voix

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Le patron de la banque centrale allemande critique Français et Italiens qui « affaiblissent l’Europe. »

Il revendique le strict respect des traités. Jens Weidmann était resté discret depuis le début de la séquence budgétaire qui a concerné d’abord l’Italie, ensuite la France. Parce que la commission semblait intraitable. L’ambiance a radicalement changé en quelques jours, et le patron de la plus puissante des banques centrales européennes estime nécessaire de faire entendre sa voix : les mesures prises en France pour calmer la colère des gilets jaunes risquent d'enfreindre aux « règles budgétaires européennes » dit-il, « le président Macron veut continuer son cours des réformes, c'est une bonne nouvelle », mais « dans l'ensemble, cela devrait être conçu de manière à être conforme aux règles budgétaires européennes convenues d'un commun accord », déclare-t-il dans une interview au journal Welt am Sonntag.

Il ajoute que respecter le plafond de 3% de déficit et « réduire le déficit structurel de manière appropriée » seraient la bonne voie à prendre surtout que « l'économie (française) se porte bien » et que « la dette reste très élevée ». Le déficit dit « structurel » est en effet le point le moins médiatique mais le plus important dans l’étude des budgets européens. Or sur ce plan-là, avant même la crise de novembre, la France n’était absolument pas dans les clous, faute d’une réforme de sa sphère publique.

Les rigoristes allemands se font entendre

La position du patron de la « Buba » tranche avec le soutien affiché mi-décembre par la chancelière allemande Angela Merkel au président français. En revanche celui qui a exprimé tout haut une position franchement hostile aux arbitrages en cours, c’est Günther Oettinger, « enfant terrible » de la CDU, pourfendeur éternel du « laxisme » des pays du sud, patrons des députés du groupe chrétien-démocrate à l’assemblée, avant d’être exfiltré à Bruxelles où il est maintenant vice-président de la commission en charge du budget et des ressources humaines : ces ajustements budgétaires français ne sont pas « des cadeaux de Noël ponctuels mais des dépenses structurellement durables, il y en a qui s’étendront après 2020 » s’inquiète-t-il, une situation qui pourrait déraper donc, et le passif récent de la France ne l’incite pas à la clémence : « le pays viole pour la onzième année consécutive les règles de la dette, à l’exception de 2017 (…) Je ne suis absolument pas d’accord avec mon collègue Pierre Moscovici (commissaire aux affaires économiques) On ne peut pas absoudre la France aussi aisément ». Günther Oettinger constate que la France n’a pas su profiter des six dernières années de croissance pour réduire sa dette : « La dette est comme en 2013, à 95 % du PIB », regrette-t-il (elle est même à 100% du PIB après les dernières mesures budgétaires).

Rome aussi est dans le viseur du camp de la rigueur en Allemagne. Après l'accord sur le budget italien annoncé par la Commission européenne et permettant d'éviter pour le moment l'ouverture d'une procédure d'infraction, Jens Weidmann se dit « inquiet de ce que cela signifie pour la future discipline budgétaire dans la zone euro, à l'avenir, il sera encore plus difficile pour la Commission et les autres gouvernements d'insister pour que les finances publiques soient saines ». Il s'étonne au final qu'il existe encore au sein de la zone euro « des points de vue divergents sur, par exemple, le caractère explosif d'une dette publique élevée et donc le sens des règles budgétaires ».

Il s’agit clairement de mettre la pression sur Angela Merkel, mais aussi sur son ministre des finances Olaf Scholtz. Le successeur de Martin Schaüble semble en effet avancer main dans la main avec Bruno Le Maire, d’abord sur l’idée d’un projet de budget pour la zone Euro en 2021, ensuite sur une réforme de la gouvernance de la zone. On ne peut pas non plus écarter le contexte de la succession de Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne. La lutte d’influence est féroce entre le camp qui voudrait en revenir à la lettre des traités et fermer la parenthèse ouverte en 2012 par un soutien direct de la Banque centrale aux pays en difficulté, et celui de ceux qui veulent rester pleinement acteurs de la construction européenne. Jens Weidmann prend date, au moment où l’économie européenne donne des signes de ralentissement.