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La chute du rouble vue de Russie

Les Russes craignent de voir les produits importés comme les téléviseurs devenir hors de prix

Les Russes craignent de voir les produits importés comme les téléviseurs devenir hors de prix - ALEXANDER NEMENOV / AFP

Confrontés à la chute vertigineuse du rouble et à la flambée des prix, les Russes ont l'impression de revivre la crise des années 90. Dans les magasins réapparaissent les étiquettes en devises étrangères. Ils attendent de Vladimir Poutine qu'il prenne des mesures structurelles.

Comment les Russes vivent-ils la crise monétaire que traverse leur pays? "Ils en ont vu d’autres", répond le président de la chambre de commerce franco- russe depuis Moscou. Pavel Chinsky rappelle que, depuis 25 ans, la Russie a traversé d’autres crises: une inflation à plus de 1.000% en 1992 suivie de deux krachs financiers en 1998 et en 2008. La population, habituée aux mécanismes de l'inflation et des taux de changes, s'adapte et fait confiance à Vladimir Poutine pour enrayer cette spirale. Questions-réponses sur la crise du rouble vue de Russie.

> Quelles conséquences concrètes dans la vie des Russes?

C'est devenu un réflexe: la première chose que font les Russes le matin, c’est de regarder le cours du rouble. En un an, les prix ont bondi de 10% et la valse des étiquettes devrait se poursuivre dans les prochains mois. Aujourd’hui, il faut environ 100 roubles pour un dollar et 80 roubles pour acheter un euro. Pour éviter de changer les étiquettes toutes les quinze minutes, certains magasins de Moscou ont ressuscité les unités de compte, une pseudo monnaie, indexée sur le cours des devises, qui est réévaluée tous les jours. Cette pratique interdite était courante dans les années 90. La mairie de Moscou a immédiatement réagi en menaçant de fortes amendes les magasins qui affichent des prix en dollar. 

Dans la capitale, on voit également des consommateurs se ruer vers les produits importés comme les téléviseurs, les téléphones portables et les meubles. Ils craignent, à juste titre, que les marques étrangères deviennent hors de prix. Apple a déjà augmenté ses tarifs de 20%, le suédois Ikea s'apprête à en faire autant. 

> Vladimir Poutine est-il fragilisé dans l’exercice du pouvoir?

Paradoxalement sa popularité se trouve renforcée sur tous les fronts. Depuis le début de la crise ukrainienne, une sorte d’union sacrée s’est constituée autour de Poutine. Pavel Chinsky raconte que "les corps constitués et les forces politiques, bien loin de remettre en cause sa légitimité, ont rendu le pouvoir encore plus monolithique". Du côté de l’opinion, la rhétorique nationaliste et la théorie du complot séduisent toujours. Poutine fait passer le message que c'est la dépendance à l'Occident qui est responsable de la situation actuelle et non les sanctions économiques. En clair: c'est la main de l'étranger qui est responsable de la crise qui secoue le pays.

> Qu’attendent les Russes du discours de Vladimir Poutine, jeudi?

La grande allocution politique de Vladimir Poutine prévue jeudi est très attendue car il ne pourra pas faire l’impasse sur les questions économiques. Ses dernières actions, notamment celles de la banque centrale, ont révélé une certaine impuissance. Pour le directeur de la chambre de commerce franco-russe, le Kremlin doit aller plus loin: "Tout le monde espère des réformes structurelles qui permettraient au pays de puiser dans ses ressources vives pour enrayer la descente aux enfers que connaît le rouble". La croissance n’étant plus tirée par les hydrocarbures et par les investissements étrangers, il faut s’appuyer sur les ressorts de l’économie russe. C’est le sens de la déclaration de la gouverneure de la banque centrale russe qui dit: "Nous devons apprendre à vivre une nouvelle réalité et se concentrer sur nos propres ressources." Autrement dit: il faut s’habituer à une monnaie faible et consommer des produits russes.