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La Fed constate les ravages économiques de l’épidémie américaine des opioïdes

Le patron de la Fed, Jerome Powell.

Le patron de la Fed, Jerome Powell. - Brendan Smialowski / AFP

Devant le Congrès, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a dit à quel point l’explosion de la consommation d’opioïdes nuit à l’économie de son pays et à sa force de travail.

Lorsque le dirigeant de la plus puissante banque centrale au monde considère qu’un facteur, quel qu’il soit, recèle un impact « assez important » sur l’économie, c’est que ce facteur est susceptible de passer au premier plan dans l’orientation de la politique monétaire. Devant la Chambre des représentants, Jerome Powell a jugé, mercredi après-midi, qu’un « nombre extraordinaire » de personnes aux États-Unis abusent des opioïdes, des médicaments ou substances analgésiques extrêmement fortes. Il affirme que cette épidémie pèse sur « la participation des jeunes gens et des jeunes femmes » au marché du travail, mais pas seulement : « C’est vraiment une crise nationale. » 

D’après les dernières données communiquées par le Centre fédéral pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), 47 600 décès ont été enregistrés en 2017 des suites d’une surdose d’opioïdes, ce qui représente près de 8 000 morts de plus que celles par armes à feu à un pic depuis plus de 20 ans. 

130 morts par jour

Une piste d’explication est explorée dans un article publié début juillet par la revue médicale « Lancet Public Health ». Lorsqu’aux États-Unis les taux d’incarcération progressent et que les revenus des ménages diminuent, la mortalité liée aux stupéfiants augmente, sachant que les opioïdes comptent pour 68 % de ces décès par surdose de drogue.

La CDC découpe cette épidémie en trois phases, la dernière datant de 2013, avec l’essor du fentanyl, essentiellement en provenance de Chine. A partir de 2015, l’épidémie commence à échapper à tout contrôle, provoquant la disparition aux États-Unis de 130 personnes par jour. Depuis le 1er mai 2019, Pékin, sous pression de Washington, interdit toute production de fentanyl. 

L’Ohio tente de réagir

Certains États américains parmi les plus affectés ont décidé de mener par eux-mêmes le combat de santé publique. Ils tentent d’évaluer les dégâts économiques et sociaux. La chaîne financière CNBC rapporte qu’ils s’élèvent dans l’Ohio à un montant compris entre 4 et 5 milliards de dollars par an, pour une population de 11,7 millions d’habitants. Son gouverneur républicain Mike DeWine reconnaît, de ce seul fait, une « perte de compétitivité » considérable.

Pour la Réserve fédérale, il y a de la sorte toute un pan de la population américaine en âge de travailler qui ne peut plus contribuer à l’économie nationale. Avant même son propos inquiet devant la Chambre des représentants, Jerome Powell, en mars dernier, avait accepté de participer à une émission télévisée sur la chaîne CBS, débattant d’un thème sur « une génération perdue de travailleurs » à cause de l’épidémie. En juillet 2018, déjà, il mettait en avant une étude d’un économiste de l’Université de Princeton, pour déplorer « les conséquences terribles sur les communautés » et sur le « taux d’activité ». Le professeur Alan Krueger a trouvé, à partir d’un échantillon représentatif d’hommes, que 44 % d’entre eux avaient pris la veille un anti-douleur, plus ou moins fortement dosé.

Avant Powell, Yellen aussi

La précédente présidente de la Fed, Janet Yellen a commencé à exprimer ses craintes de ce point de vue en 2017. Elle a estimé que l’abus d’opioïdes à travers le pays était, au moins en partie, responsable du recul global du taux d’activité. Même si, jusqu’ici, la Réserve fédérale n’établit pas encore une corrélation qui soit incontestable.

Le niveau d’emploi formant un élément central de la mission de la Réserve fédérale, l’institution doit, désormais, de toute façon en tenir compte au moment de modifier le loyer de l’argent ou la quantité de liquidités injectées dans l’économie.