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La Lune aiguise les appétits géopolitiques

Photo d'illustration.

Photo d'illustration. - Joe Raedle - Getty Images - AFP

50 ans après le premier pas sur la Lune, l’année 2019 marque le grand retour des missions lunaires. Américains, Russes, Chinois, Indiens, Européens… les Etats se ruent dans une nouvelle conquête non dénuée d'intérêts économiques.

Reconquérir la lune se veut une démonstration de force sur la scène géopolitique internationale. Selon le CNES, « pour les nations spatiales émergentes, essentiellement asiatiques, la Lune est une excellente cible pour asseoir leurs capacités en terme de lanceurs et de conception robotique ». Réussir un alunissage revient à prouver sa capacité à rivaliser techniquement avec les grandes puissances spatiales.

Mais cette conquête n'est pas dénuée d'intérêts économiques. L’astre renferme en effet des ressources comme des métaux, disponibles sur Terre mais difficilement accessibles, ainsi que de l’eau glacée (-150°c) en surface. Actuellement, acheminer un litre d’eau depuis la Terre coûte plusieurs milliers de dollars. Pouvoir extraire l’eau depuis la Lune à un moindre coût serait utile aux missions lointaines habitées des astronautes dont le départ s'effectuerait depuis le satellite.

La Lune abrite aussi des terres rares et des matières comme l’hélium 3, un isotope de l’hélium. Ce gaz léger et non radioactif pourrait servir pour alimenter en énergie les vaisseaux spatiaux et est sans déchets. Certains imaginent pouvoir récolter ce gaz.

« Pour l’instant nous ne disposons ni des moyens de collecte ni des centrales pour faire fusionner ce gaz. Il s’agit d’une anticipation de plusieurs dizaines d’années voire de siècles », tempère Olivier Sanguy, journaliste spécialiste de l’espace. Par ailleurs, les conditions d’extraction de minerais comme le platine sont déjà compliquées sur Terre, alors les conditions atmosphériques et techniques d’une extraction lunaire semblent pour l’instant impossibles et bien trop chères. « Quand on regarde les techniques actuelles, on est loin d’être opérationnels », affirme le spécialiste.

A ses yeux, le nouvel enjeu économique est dans le « new space » : la participation d’acteurs privés dans la conquête spatiale, comme « SpaceX » de l’entrepreneur américain Elon Musk. « On peut voir ces contrats comme des prestations clés-en-main, une sorte de privatisation partielle de la conquête spatiale », résume le journaliste.

A l’appel de la NASA, neuf entreprises américaines travaillent à développer des missions d’atterrissage sur la Lune à moindre coûts, afin de transporter du matériel sur le satellite. Ce nouveau type de sous-traitance est plébiscitée également par l’agence européenne spatiale (ESA). « La conquête spatiale n’est plus une course », assure Bernhard Hufenbach, chef de la stratégie de l’ESA et du bureau de l’exploration spatiale. Fin de la course donc, notamment parce que les Etats n’ont pas les moyens financiers de mener de telles opérations.

Vers la Lune et l’au-delà

Américains et Européens souhaitent s’installer sur la Lune. En 2016, Jan Wörner, président de l’ESA, l’agence européenne spatiale, parlait pour la première fois d’un « village lunaire ». Lors d’une conférence de presse, il expliquait avoir « l’intention de construire une base permanente sur la Lune : une station ouverte pour les différents Etats participants ». Il s’agirait d’abord de créer d’ici 2030 la station orbitale Lunar Orbital Platform-Gateway (LOP-G), dont le premier module devrait être lancé en 2022. L'idée serait d'en faire une première passerelle de ravitaillement grâce à des vaisseaux-cargos envoyés depuis la Terre… et de pouvoir mieux explorer les sols lunaires.

« Notre mission est scientifique pas économique, précise Bernhard Hufenbach, chef de la division stratégique de l’ESA et du bureau de l’exploration spatiale, nous voulons comprendre comment les ressources lunaires peuvent servir à des missions d’explorations », explique-t-il. Outre les recherches scientifiques sur notre satellite, cette base servirait aussi de tremplin pour Mars. « Nos missions sont prospectives mais il est évident que nous fonctionnons avec trois objectifs : la station spatiale internationale, la Lune puis Mars », confirme-t-il.

Chez les Américains, on est déterminé à envoyer des hommes sur la planète rouge. Le fantasque Elon Musk veut d’ailleurs permettre la colonisation de Mars à horizon 2060. Un projet un peu trop ambitieux selon les spécialistes. Pour Elon Musk, la colonie d’un million de personnes permettrait « d'assurer la survie de l'espèce humaine au cas où la Terre finirait par disparaître ».

Dans une vidéo diffusée en novembre dernier, la NASA annonçait, elle aussi, son intention de faire marcher des hommes sur Mars en 2043. Après le « grand pas pour l’humanité » en 1969, le « prochain grand saut » ne devrait pas avoir lieu tout de suite.

Marie BAIL