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La victoire de Trump vient miner le bilan économique flatteur d'Obama

Barack Obama à la Maison Blanche, le 8 novembre

Barack Obama à la Maison Blanche, le 8 novembre - NICHOLAS KAMM / AFP

Le futur président des États-Unis a rallié une partie de son électorat en dénonçant "la stagnation" de l'économie américaine. Ce alors que Barack Obama a sorti le pays de la récession et fait passer le chômage sous les 5%.

Donald Trump a bâti son triomphe électoral en dressant un très sombre diagnostic de l'économie américaine et en exploitant les craintes de la classe moyenne, malgré un bilan plutôt flatteur du président Barack Obama.

Avec un taux de chômage à 4,9% et une longue période d'expansion économique, l'économie américaine se porte plutôt bien et la crise financière qui avait plongé le pays dans la récession en 2009 semble loin.

En 2015, les ménages américains ont même vu leur revenu médian gagner plus de 5% en un an, reflétant une poussée annuelle sans précédent dans l'histoire des États-Unis.

Des inégalités qui flambent

Beaucoup de présidents sortants aimeraient pouvoir afficher un tel bilan mais ces chiffres cachent une réalité moins enviable que le candidat Trump n'a cessé de dénoncer pendant la campagne. "Notre pays stagne, nous avons perdu nos emplois, nous avons perdu notre activité", assurait-il lors d'un récent débat présidentiel.

De fait, les inégalités ont flambé aux Etats-Unis, les salaires peinent encore à décoller, le nombre de personnes ne trouvant pas un emploi à la mesure de leurs ambitions ou contraints au travail partiel reste important et des régions entières continuent d'être sinistrées par la désindustrialisation.

Les bons scores réalisés par Trump dans la "Rust Belt" (la ceinture de rouille) du nord-est du pays autrefois dominée par la sidérurgie, le charbon et l'automobile en témoignent. Depuis 2000, les Etats-Unis ont perdu environ 5 millions d'emplois dans l'industrie manufacturière.

"Nous ne produisons plus rien. Les produits arrivent en masse de Chine, du Vietnam et du reste du monde", avait martelé Donald Trump.

Le libre-échange en question

Pendant sa campagne, le magnat de l'immobilier n'a eu de cesse de dénoncer l'impact, selon lui néfaste, des accords de libre-échange, comme l'Alena signé avec le Mexique et le Canada en 1994, s'éloignant ainsi de la doctrine républicaine traditionnelle.

Sa principale cible restait toutefois le partenariat transpacifique (TPP) signé en 2015 entre les Etats-Unis et 11 pays de la région Asie-Pacifique et en attente de ratification. Cet accord, comme celui négocié avec l'Union européenne (TTIP), sont voués à une mort certaine si le président Trump respecte ses promesses de campagne.

Cet élan protectionniste lui a par ailleurs aliéné le soutien de puissants groupes patronaux traditionnellement acquis au camp républicain, telle que l'US Chamber of Commerce qui prédisait récemment un "affaiblissement" économique si Donald Trump arrivait à la Maison Blanche.

Le républicain a rejeté ces accusations et promis de "ramener les emplois" aux Etats-Unis avec un cocktail de mesures protectionnistes, une vaste dérèglementation et une réduction massive de la fiscalité pour les entreprises.

Une politique fiscale avec des effets à court terme

Le candidat veut ainsi sabrer de 35% à 15% le taux d'impôt sur les bénéfices dans l'espoir de stimuler la croissance et de créer des emplois, suscitant toutefois le scepticisme des experts.

Malgré d'imposants bénéfices, les grands entreprises américaines n'ont pas accéléré leurs investissements et "il n'est pas certain" qu'une baisse d'impôts leur ferait changer de cap, commentait mercredi l'agence financière Fitch.

Selon l'organisation non-partisane Tax Policy Center, une telle mesure pourrait certes doper l'investissement à moyen terme mais pèserait lourdement sur les finances publiques en asséchant les recettes de l'Etat. Selon leurs estimations, la dette américaine bondirait de plus de 36% dans les dix prochaines années.

Les économistes de Moody's Analytics prédisaient récemment une possible récession aux Etats-Unis du fait des politiques isolationnistes du candidat Trump.

De grandes inconnues

Selon Simon Johnson, ancien chef économiste du FMI, le repli sur soi prôné par Donald Trump pourrait être dévastateur. "La menace est que l'on perturbe nos relations commerciales avec nos partenaires (...). Cela finira pas nous affaiblir", a-t-il assuré à l'AFP.

Plusieurs inconnues de taille pèsent par ailleurs sur les perspectives économiques sous une présidence Trump, notamment la politique monétaire de la banque centrale (Fed).

Les marchés, qui ont réagi sans panique au choc de l'élection américaine, pourraient voir d'un très mauvais oeil un conflit ouvert entre la Banque centrale et le nouveau locataire de la Maison Blanche.

À plusieurs reprises, Donald Trump s'en est violemment pris à la présidente de la Fed, la démocrate Janet Yellen, en l'accusant d'alimenter une "énorme et horrible bulle financière" en maintenant artificiellement les taux d'intérêt proches de zéro.

La Fed a légèrement augmenté ses taux en décembre 2015 pour la première fois depuis dix ans mais a, depuis, renoncé à procéder à une nouvelle hausse. Sa prochaine réunion à la mi-décembre sera guettée avec fébrilité par les marchés et avec attention par celui qui succèdera officiellement à Barack Obama le 20 janvier.

J.M. avec AFP