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Lagarde, monnaie, BCE... Benoît Coeuré prend position

L’économiste Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, était l’invité exceptionnel de 12H, l’Heure H, sur BFM Business. L’occasion de revenir sur la politique monétaire européenne et sur les risques qui pèsent sur la zone euro.

C’était l’un des noms qui circulaient ces derniers jours pour prendre la tête du FMI. Finalement, Benoît Cœuré a écarté l’hypothèse pour continuer sa carrière en Europe. Il sera, de tout façon, membre de la BCE jusqu’à la fin de son mandat, le 31 décembre prochain. L’occasion pour Hedwige Chevrillon de revenir avec lui, dans le cadre des Rencontres Economiques d'Aix-en-Provence, sur les sujets qui agitent le monde économique.

Le choix de Christine Lagarde pour la BCE

« C’est un très bon choix » explique Benoît Cœuré qui assure que le parcours de Christine Lagarde « la qualifie tout à fait » pour diriger la BCE. « Elle connait parfaitement le fonctionnement de l’économie mondiale et donc celui de la zone euro. Elle sait parler aux marchés financiers. »

Interrogé sur le manque d’expérience de Christine Lagarde en matière de politique monétaire, Benoît Cœuré rappelle qu’il y a « d’excellents économistes à la BCE qui sauront l’accompagner, la conseiller. Elle saura gérer ça très bien, je n’en ai aucun doute ».

Son départ de la BCE

« Je quitte la BCE le 31 décembre 2019 parce que mon mandat de 8 ans arrive à son terme. Christine Lagarde ou pas Christine Lagarde » explique-t-il, faisant référence à la règle non-écrite qui interdit qu’il y ait deux personnalités de la même nationalité à la BCE. Et de rappeler que Christine Lagarde pourra compter sur l’Irlandais Philip Lane, chef économiste de la BCE « qui saura piloter tout ça très bien. »

Sa candidature au FMI

« Je ne suis pas candidat au FMI » tranche-t-il. « Il y a toute sorte de bon candidats de par le monde » assure-t-il. « Ma spécialité, c’est l’Europe donc j’ai plutôt envie de rester en Europe et de continuer à servir l’Europe. On verra bien sous quelle forme. »

La politique des taux bas de la BCE

« C’est un politique qui est nécessaire parce que notre objectif est de ramener l’inflation vers 2% et on n’y est pas encore » souligne Benoît Cœuré. « Il faudra une politique monétaire accommandante tant que cet objectif ne sera pas rempli. » Et de marteler : « c’est une politique qui a créé des dizaines de millions d‘emplois dans la zone euro, qui soutient l’activité, qui soutient le retour de l’inflation vers 2% et qui est d‘autant plus nécessaire aujourd’hui qu’on a un ralentissement mondial. »

Et la BCE possède encore des outils pour réagir, si besoin, assure Benoît Cœuré. « Nous sommes prêts à baisser les taux d’intérêt, encore plus si c’est nécessaire » affirme-t-il. « Et on pourrait, hypothétiquement, recommencer des achats nets de titres si les circonstances le nécessitaient. »

Les risques sur l’économie mondiale

« Il faut protéger tout le dispositif de régulation financière qui a été construit depuis 2008. On a tendance à oublier cette crise et la tentation renaît d’assouplir la régulation financière. Il faut résister à cette tentation » affirme-t-il.

Il identifie aussi deux risques majeurs. Tout d’abord, le « glissement d’une partie de la finance du domaine bancaire au domaine non-bancaire », ce qui implique de créer des outils de régulation sur ces finances non-bancaires.

Le second risque est le « cyber-risque (…) On ne peut pas exclure que la prochaine crise financière viendra d’une cyberattaque, soit sur une institution financière soit sur une infrastructure financière. » Il précise d’ailleurs que la BCE subit des « milliers de petites attaques par jour mais pour l’instant pas d’attaques importantes. Mais ça arrivera et il faut qu’on y soit prêt. »

La politique budgétaire

Interrogé sur les propos d’Olivier Blanchard, ex-chef économiste du FMI qui plaide pour l’endettement des Etats en raison des taux bas, Benoît Cœuré a tempéré les propos. « Il a en principe raison mais c’est un diagnostic qu’il faut réparer pays par pays » explique-t-il. « Je ne pense pas que l’Italie ou la France soit dans ce camp-là. C’est vrai que les taux d’intérêt ont baissé mais ils remonteront un jour. Et en face, on a des taux de croissance de long terme qui sont assez bas. Il y a très peu de pays en Europe qui ont les moyens d’utiliser de manière active la politique budgétaire. » Et de trancher : « l’Allemagne en fait partie, la France et l’Italie n’en font pas partie. »