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L'Argentine au bord du gouffre

Pablo Lopez, ministre Argentin des Finances, négocie avec les fonds "vautours".

Pablo Lopez, ministre Argentin des Finances, négocie avec les fonds "vautours". - -

Les discussions se poursuivent, ce mercredi 30 juillet, entre l'Argentine et les fonds "vautours". Si un accord n'est pas trouvé, le pays risque un défaut de paiement. Explications.

Bis repetita pour l'Argentine. Elle est, de nouveau, sur la sellette et à deux doigts du défaut de paiement. Le pays et les fonds "vautours" ne sont pas parvenus à un accord permettant une sortie négociée du litige sur la dette du pays et continueront leurs discussions ce mercredi 30 juillet.

Retour sur cette affaire.

> Comment le pays en est arrivé là?

En 1999, l'onde de choc de la crise financière mondiale initiée en 1997 touche l'Argentine, qui entre en récession. Pour répondre aux exigences du Fonds monétaire international (FMI), les plans d'austérité s'enchaînent et les hausses d'impôts se multiplient. De nombreuses grèves générales secouent le pays.

Début décembre 2001, pour stopper les retraits bancaires et empêcher la chute des banques, le ministre de l'Economie Domingo Cavallo, ordonne le gel de tous les dépôts : près de 70 milliards de dollars.

Il s'agit d'un geste désespéré, alors que 22 milliards de dollars avaient été retirés par les Argentins en moins de trois mois. Domingo Cavallo décide que les retraits ne pourront pas dépasser, pendant 90 jours 250 pesos (soit 250 dollars à l'époque) par jour.

Ce "Corralito" (enfermement) déclenche de violentes émeutes. Le 19 décembre, face à l'explosion sociale, le président Fernando De la Rua décrète l'état de siège. Le lendemain, assiégé par des milliers de manifestants au siège de la présidence à Buenos Aires, il signe sa démission et prend la fuite en hélicoptère.

Le 23, le président intérimaire Adolfo Rodriguez Saa déclare le défaut de paiement le plus important de l'histoire: 100 milliards de dollars.

Le péroniste Eduardo Duhalde, cinquième président en près de deux semaines, décide de dévaluer le peso (70% à terme), mettant ainsi fin à la parité avec le dollar.

> Pourquoi la crise continue?

Les années suivant cette très grave crise, l'Argentine renoue avec la croissance dans la douleur. Les épargnants ont vu leurs avoirs fondre comme neige au soleil, avec la valeur du peso passée de un peso pour un dollar à trois pour un dollar.

Plusieurs propositions sont faites aux créanciers étrangers de l'Argentine pour parvenir finalement à un accord en 2005 qui prévoit une décote d'environ deux tiers sur les montants dus. En avril 2010, une nouvelle proposition est faite aux 25% environ des créanciers qui avaient refusé les conditions de l'accord de 2005.

L'Argentine risque donc un défaut de paiement portant sur un montant minime pour un Etat, 539 millions d'euros. Mais le juge américain Thomas Griesa bloque ce paiement car le jugement qu'il a prononcé en 2012 ordonne au pays sud-américain de payer d'abord 1,3 milliard de dollars aux fonds "vautours" américains NML et Aurelius. Alors que 93% des créanciers ne vont toucher qu'environ 30% du montant des bons, la justice américaine va permettre à NML d'encaisser 832 millions de dollars pour des bons achetés à prix cassé à 48 millions.

Mi-juin 2014, la Cour suprême des Etats-Unis refuse de se saisir d'un recours de l'Argentine et confirme la décision du juge Griesa, à l'origine de la situation actuelle.

> Mais qu'est-ce qu'un défaut de paiement?

Lorsqu'un pays ne peut plus rembourser ses dettes, il est considéré en "faillite". Mais contrairement à une entreprise ou un ménage, il n'est pas contraint à la liquidation de ses biens pour trouver de l'argent.

Seule solution pour l'Etat : augmenter ses recettes et baisser ses dépenses. Et en général, l'augmentation des impôts et la cure d'austérité est le scénario choisi.

> Quelles sont les conséquences d'un défaut de paiement?

Tout d'abord, en général, en cas de défaut de paiement, le pays connaît une chute brutale de sa monnaie. Ce qui peut avoir pour résultat une fuite des investisseurs étrangers. De plus, comme les banques détiennent souvent de la dette, elles peuvent se retrouver en difficulté financière.

Si l'Etat ne rembourse pas sa dette, les banques risquent donc de moins prêter aux entreprises et aux ménages. La consommation, l'embauche, l'investissement, … marquent donc un arrêt brutal.

Et enfin – comme évoqué plus haut – les plans d'austérité vont peser sur les ménages.

> Quels pays ont déjà vécu un défaut de paiement?

Certains pays ont déjà connus des situations similaires. Ainsi en 1982, le Mexique a fait défaut sur sa dette bancaire, ce qui a entrainé le défaut d'une trentaine de pays. En 1998, la Russie a fait défaut sur ses emprunts d'Etat, entrainant une crise importante et es difficultés financières pour de nombreux ménages.

Diane Lacaze avec AFP