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Le coronavirus pourrait signer l'arrêt de mort de la Poste américaine

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- - SAUL LOEB / AFP

Créé en 1775, l'USPS (United States Postal Service) croulait déjà sous une montagne de dettes. Pour que la Poste américaine survive à la crise du covid-19, il va falloir une aide importante de l'Etat.

Pour de nombreux Américains, le coup d'oeil dans la boîte aux lettres est un rituel quotidien mais le coronavirus pourrait être l'ultime menace pour la Poste locale, qui fait déjà face à une montagne de dettes.

"Les services postaux sont sur la sellette", a affirmé récemment Carolyn Maloney, une démocrate de New York qui préside une commission de supervision à la Chambre des représentants.

"A moins que le Congrès et la Maison Blanche ne fournissent une aide importante dans le cadre de la prochaine loi de relance économique, ils pourraient disparaître", a-t-elle affirmé. "Le courrier est tellement important pour les familles américaines," a assuré mardi la cheffe des démocrates au Congrès, Nancy Pelosi.

161 milliards de dollars de dettes

Car l'USPS (United States Postal Service), service public créé en 1775 et dont le premier dirigeant fut Benjamin Franklin, est devenue une institution avec l'épopée du Pony Express dans l'Ouest. Ses camions blancs et ses codes postaux, comme le 90210 de Beverly Hills, font partie du mythe américain.

Mais depuis quelques années, la Poste accumule les difficultés et sa dette a atteint près de 161 milliards de dollars fin 2019. L'USPS, un des plus gros employeurs du pays, a des coûts salariaux énormes, notamment en provisionnant les allocations retraite de ses plus de 600.000 postiers. 

L'avènement du courrier électronique et la numérisation des communications pèsent aussi sur son activité. Pour les plus jeunes, un timbre semble aussi étrange qu'un téléphone fixe. Le développement du commerce en ligne, notamment le géant Amazon, et l'accroissement du volume des envois de colis n'a pas compensé la perte globale de trafic, estimait le ministère du Trésor dans un rapport en 2018.

Des envois en chute libre

Avant l'apparition de l'épidémie de coronavirus, la Poste traitait chaque jour plus de 180 millions de lettres et paquets au tarif normal, selon des statistiques officielles. 

Mais le Covid-19 a mis l'économie américaine à l'arrêt: les envois en volume - publicités ciblées, catalogues, bons de réduction - sont en forte baisse et les ventes de produits et services postaux ont plongé.

La patronne de la Poste, Megan Brennan, a estimé à 13 milliards de dollars le manque à gagner directement lié au coronavirus pour l'année fiscale 2019-2020. "La baisse soudaine des envois en grand nombre, notre meilleure source de revenus, est forte et pourrait ne jamais être totalement récupérée", a-t-elle dit aux parlementaires.

Mais l'USPS ne semble pas être une priorité dans le gigantesque plan de sauvetage impulsé par Donald Trump, qui penche pour une privatisation de certains services.

Hausse des tarifs?

Le président américain demande une hausse des tarifs pour les colis envoyés au titre du commerce en ligne, accusant notamment Amazon et son patron Jeff Bezos de profiter de bas tarifs postaux.

La Poste "perd de l'argent chaque fois qu'elle livre un colis d'Amazon ou d'autres sociétés en ligne", a dit récemment Donald Trump à la presse. "Et si elle augmentait fortement ses prix, vous verriez qu'elle pourrait gagner de l'argent. Mais (ses dirigeants) ne le font pas, j'essaie de comprendre pourquoi", a-t-il commenté.

Dans son plan d'urgence, le Congrès a octroyé à l'USPS un prêt de 10 milliards de dollars, soumis à l'aval du Trésor. Largement insuffisant pour Megan Brennan, selon laquelle 89 milliards de dollars au maximum seront nécessaires pour surmonter la crise.

L'enjeu du vote par correspondance

Pour ses défenseurs, la Poste est un service essentiel: elle livre des médicaments dans les zones isolées du pays et pourrait jouer un rôle clé lors de la présidentielle de novembre avec le vote par correspondance.

"Les employés de l'USPS risquent leur santé pour s'assurer que l'Amérique continue de tourner" pendant la crise sanitaire, a plaidé sur Twitter la sénatrice démocrate Elizabeth Warren.

Pour Mark Dimondstein, le patron du syndicat des postiers qui compte quelque 200.000 membres, le gouvernement doit faire plus. "On fait notre travail, le Congrès et le gouvernement doivent faire le leur", estime-t-il

TL avec l'AFP