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Le plan d'investissement de Juncker va-t-il fonctionner?

Toute l'incertitude du plan de Jean-Claude Juncker repose sur l'investissement privé.

Toute l'incertitude du plan de Jean-Claude Juncker repose sur l'investissement privé. - Frederick Florin - AFP

Le plan d'investissement dévoilé par le président de la Commission européenne, ce mercredi 26 novembre, joue sur des mécaniques financières pour lever 315 milliards d'euros à partir de 21 milliards. Ce qui amène Jean-Claude Juncker à essuyer des critiques.

Jean-Claude Juncker a désormais dévoilé son atout maître. Le président de la Commission européenne a ainsi présenté son fameux plan d'investissements sur trois ans de 315 milliards destinés à "remettre l'Europe au travail", selon ses propres mots.

Ce dispositif était attendu à l'heure où l'Europe subi des critiques, les dernières en date émanant du Pape François, et où le Vieux Continent peine à renouer avec la croissance.

Dans ce contexte, les 315 milliards d'euros de Jean-Claude Juncker pourraient s'apparenter à un ambitieux plan de relance. Dans les faits, cette image idyllique doit être nuancée.

Une multiplication par 15

Le plan d'investissements du président de la Commission européenne repose en fait surtout sur le secteur privé. Ainsi derrière les 315 milliards d'euros, seuls 21 milliards sont réellement des deniers publics. 16 milliards de garanties proviennent ainsi du Budget de l'Union européenne et 5 milliards sont apportés par la Banque européenne d'investissement (BEI).

Ces 21 milliards d'euros seront ensuite logés dans un fonds, appelé "Fonds européen d'investissements stratégiques" (FEIS) qui "va agir comme un multiplicateur", explique le vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen."Chaque euro mobilisé va générer autour de 15 euros d'investissements qui n'auraient autrement pu être mis sur la table", poursuit-il.

Prendre le risque

Ce mécanisme est appelé dans le jargon financier "effet de levier", ou comment lever des fonds à partir d'une mise initiale réduite. Dans le cas du plan d'investissement, cette multiplication par 15 se fait en deux temps.

D'abord les 21 milliards d'euros du FEIS, doivent être multipliés par trois, en ayant recours à des instruments de dettes sur les marchés. Les quelques 60 milliards d'euros obtenus doivent ensuite inciter les investisseurs privés à mettre de l'argent dans les différents projets. La Commission européenne dit se baser sur "des expériences historiques" montrant que ce procédé permettrait encore de multiplier par cinq les sommes mises en jeu. D'où le chiffre de 15 avancé par Jyrki Katainen.

En fait, le capital de départ "permet de garantir la partie la plus risquée du financement" pour attirer les investissements privés supplémentaires, explique à BFM Business un artisan du projet. Autrement dit, en cas d'échec du projet, Bruxelles couvre les première pertes.

Des doutes et des critiques

Mais dans quelle mesure ce projet est-il crédible? "L'hypothèse d'un levier de 15 me paraît très optimiste", souligne Alan Lemangnen économiste chez Natixis. "Il va falloir voir si les investisseurs privés vont réellement être intéressés. La question reste ouverte", ajoute-t-il.

Alain Lemangnen rappelle que lors de l'augmentation du capital de BEI de 10 milliards d'euros, en 2012, le levier devait atteindre 6. "Au final la force de frappe n'a été que de 20 milliards d'euros", soit trois fois moins que prévu, explique-t-il.

Certains eurodéputés sont plus formels que l'économiste."Un ratio de levier de 15 nous semble peu crédible", a ainsi jugé l'eurodéputé vert Philippe Lamberts. Plus radical, l'eurodéputé grec de la gauche radicale, Dimitros Papadimoulis, a dénoncé "un paquet vide" qui représente "une goutte d'eau dans la mer".

Julien Marion avec Benouda Abdeddaïm