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Le plus gros fonds souverain au monde veut plafonner le salaire des patrons

Le plus gros fonds souverain au monde veut plafonner le salaire des patrons.

Le plus gros fonds souverain au monde veut plafonner le salaire des patrons. - MIGUEL MEDINA / AFP

La banque centrale norvégienne, chargée de gérer le plus gros fonds souverain au monde, préconise la définition d'un plafond pour les salaires des patrons, dans chaque entreprise. Une mesure adoptée dans quelques grandes sociétés.

Le fonds souverain de la Norvège, le plus gros au monde, a peaufiné ce vendredi son image d'investisseur responsable. La banque centrale du pays, qui assure la gestion du fonds, milite pour un plafonnement de la rémunération des patrons et la transparence fiscale des entreprises. Dans chaque entreprise, le "conseil d'administration devrait (...) dévoiler un plafond pour la rémunération totale" du directeur général "pour l'année à venir", estime la banque centrale norvégienne dans un nouveau "document de position".

À une époque où les très gros salaires continuent à progresser, cette prise de position est d'autant plus importante que le fonds est présent au capital de quelque 9.000 entreprises à travers le monde, représentant 1,3% de la capitalisation globale. Par son poids et par sa gestion généralement jugée exemplaire en matière de transparence et d'éthique, le mastodonte scandinave donne souvent le "la" à d'autres investisseurs.

La contestation a un effet, parfois. Le directeur général du géant pétrolier britannique BP, Bob Dudley, a ainsi vu sa rémunération diminuer de 40% en 2016, un an après un vote des actionnaires contre une hausse de son salaire, uniquement consultatif, mais offrant un désaveu cinglant. Sous la pression de la classe politique et des syndicats, six hauts dirigeants de Bombardier ont accepté dimanche au Canada de réduire de moitié l'augmentation de 50% initialement promise. Volkswagen a aussi décidé le mois dernier de plafonner les salaires pour les membres de son conseil d'administration, une question souvent débattue en Allemagne.

La France s'essaie au "Say on pay"

Le principe du "say on pay" vient par ailleurs d'entrer pour la première fois dans le droit français. Le vote des actionnaires en assemblée générale sur la rémunération des dirigeants est désormais contraignant grâce à la loi "Sapin 2", dont le décret d'application a été publié en mars. En 2016, la rémunération des dirigeants de trois entreprises, dont Carlos Ghosn chez Renault et Patrick Kron chez Alstom, avait été rejetée par les actionnaires. Mais ces avis, alors purement consultatifs, n'avaient pas été pris en compte par les conseils d'administration. Cette année, le patron de Renault a d'ailleurs revu ses ambitions légèrement à la baisse alors que les bénéfices du constructeur automobile ont progressé.

Longtemps peu regardant en la matière, le fonds norvégien s'implique de plus en plus dans la gouvernance des entreprises dont il est actionnaire. Il a par exemple voté l'an dernier contre la politique de rémunération des dirigeants d'Alphabet (Google), Goldman Sachs, JPMorgan ou encore Sanofi, selon le Financial Times. "Nous ne sommes plus en position, en tant qu'investisseur, de dire que c'est une question sur laquelle on n'a pas d'avis", a déclaré au Financial Times le patron du fonds, Yngve Slyngstad, en notant que le "say on pay" se répandait dans toujours plus de pays.

Jugeant que cela contribuerait à aligner les intérêts du patron sur ceux des actionnaires, le nouveau document prône aussi pour qu'"une part significative de la rémunération totale annuelle (soit) fournie en actions bloquées pour au moins cinq ans, et de préférence dix ans, indépendamment d'une démission ou d'un départ en retraite" et sans conditions de performances.

Transparence fiscale

Dans un autre document publié ce vendredi, la Banque de Norvège a aussi exigé la transparence fiscale de la part des entreprises. "Les impôts devraient êtres payés là où la valeur économique est générée", souligne-t-elle notamment, visiblement hostile à l'optimisation fiscale, technique légale qui consiste à déplacer les bénéfices là où l'imposition est moindre. Sur le Vieux Continent, des géants comme Apple, Starbucks ou Fiat ont eu ces dernières années maille à partir avec la Commission européenne pour avoir tiré parti d'avantages fiscaux indus. Le fonds norvégien conforte ainsi son image d'investisseur responsable.

Conformément à un vote du Parlement en 2015, le fonds -alimenté par les revenus pétroliers de l'État- se refuse à investir dans les entreprises, compagnies minières ou énergéticiens, où le charbon, néfaste pour le climat, représente plus de 30% de l'activité. Il n'est pas non plus autorisé à investir dans les entreprises coupables de violations graves des droits de l'Homme, dans celles qui fabriquent des armes nucléaires ou "particulièrement inhumaines" ou encore dans les producteurs de tabac.

P.L avec AFP