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Le yuan, arme à double tranchant pour la Chine

"Le taux de change est fixé par l'offre et la demande sur le marché. Parfois il baisse et parfois il monte, cela fluctue dans les deux sens", a expliqué Pékin.

"Le taux de change est fixé par l'offre et la demande sur le marché. Parfois il baisse et parfois il monte, cela fluctue dans les deux sens", a expliqué Pékin. - FRED DUFOUR / AFP

Le cours du yuan a fortement baissé, laissant penser que Pékin est prêt à se lancer dans une guerre monétaire pour contrer les taxes douanières américaines. Même ce n’est pas sans risques…

La grande affaire du yuan est de retour sur la table… La devise chinoise a brutalement chuté ce lundi matin pour passer la barre des 7 yuans pour un dollar pour la première fois depuis 2008. Si la plupart des devises fluctuent en fonction de l’offre et de la demande, ce n’est pas le cas de la monnaie chinoise, qui ne varie face au dollar que dans une marge de 2% autour d'un cours-pivot déterminé chaque jour par la banque centrale. « On voit bien que la devise est capable de fluctuer au-delà des 2%. De toute évidence, les autorités laissent filer intentionnellement les choses, » tranche Vincent Lequertier, responsable d'allocation d'actifs chez We Save, sur le plateau de BFM Business.

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Une arme très pratique pour Pékin qui se défend pourtant de jouer avec sa devise pour biaiser sa balance extérieure. A en croire la Chine, ce sont bien les aléas économiques qui déterminent la valeur de la devise. Même le FMI estimait, l’année dernière, qu’il n’y avait « aucune preuve » que la Chine manipule sa monnaie. A l’époque, son chef économiste Maurice Obstfeld, estimait que la chute du yuan (8,3% entre avril et juillet 2018) était la conséquence des tensions commerciales. Pékin ne dit pas mieux aujourd’hui.

Vers une longue série ?

Mais une telle dépréciation ne peut se faire sans l’aval du pouvoir central, qui envoie clairement un message menaçant aux Etats-Unis : face à la hausse des droits de douane, la Chine fera baisser le prix de ses exportations. Message bien compris pour Donald Trump qui critique régulièrement la « manipulation de la monnaie » par la Chine. « C'est une violation majeure qui affaiblira grandement la Chine dans le temps » a-t-il tranché, ce lundi, sur Twitter.

« La question est de savoir si la Chine veut se lancer dans la guerre de dévaluation ou si elle a été satisfaite d’envoyer ce message » explique Gregori Volokhine, président de Meeschaert Financial Services, sur BFM Business. « On a eu un message. S’il est confirmé, ce sera très compliqué pour les marchés. » C’est donc le cours du yuan de mardi qui sera déterminant pour connaitre les intentions de la Chine. Sur son site internet, la Banque populaire de Chine (BPC) a assuré qu’elle ne cherche pas une dévaluation compétitive du yuan. « Mais c'est bien une guerre de change », assure Vincent Lequertier. « Même si officiellement, ils ne veulent pas l'admettre, je pense que c'est le cas. »

Un jeu risqué...

La question de la manipulation du yuan n’est pas neuve et les Etats-Unis n’ont jamais réussi à trouver la réponse adéquate pour l’empêcher. Après la crise, Barack Obama avait élevé le ton sans pour autant obtenir gain de cause. En 2009, Washington avait ouvertement accusé la Chine de « manipulation de sa monnaie », un terme que le prudent Obama avait soigneusement évité d’utiliser pour éviter les tensions diplomatiques. « Le gouvernement chinois n'a jamais eu recours à une supposée manipulation de devises pour engranger des bénéfices en commerce international, » avait répondu Pékin.

Mais le petit jeu chinois n’est pas sans dangers. Si les dernières dévaluations ne représentaient qu’un risque limité, puisque la devise s’était récemment renforcée, de nouvelles baisses pourraient peser sur l’économie du pays. D’abord, en faisant fuir les capitaux étrangers, mais aussi les capitaux chinois. « Les Chinois, qui peuvent beaucoup plus facilement déplacer leur agent, sont déjà allés sur des monnaies plus fortes auparavant » rappelle Gregori Volokhine.

Une nouvelle baisse de la devise plongerait probablement les marchés dans le doute sur la capacité des Chinois à freiner la fuite des capitaux, comme ce fut le cas en 2015 et 2016 lorsque plus de 500 milliards de dollars avaient quitté le pays. Le yuan avait alors chuté de 12%. D’autant plus que Donald Trump n’hésitera à pas à faire grimper les droits de douane pour éviter que la dépréciation du yuan ne les annule. 

Enfin, la faiblesse du yuan aurait probablement un impact sur les monnaies voisines des pays émergents qui s’affaibliraient à leur tour pour éviter la concurrence chinoise. « Il y aura donc un coût pour l’ensemble des perspectives de croissance dans le monde » souligne Jeanne Asseraf-Bitton, directrice de la recherche marchés de Lyxor AM. Reste à savoir la marge de manoeuvre que s'autorise la Chine.

Dernière question : quelle sera la réponse européenne ? Peut-elle jouer le jeu du protectionnisme américain si elle voit déferler les exportations chinoises ? Début des réponses, ce mardi.