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Sous l'effet de la crise, la zone euro entame une révolution

Les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy (à gauche) et de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lors d'une conférence de presse à l'issue d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro. Alors que la crise grecque est

Les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy (à gauche) et de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lors d'une conférence de presse à l'issue d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro. Alors que la crise grecque est - -

par Julien Toyer BRUXELLES - Alors que la crise grecque est devenue une menace systémique pour l'économie mondiale, la zone euro a décidé de frapper...

par Julien Toyer

BRUXELLES (Reuters) - Alors que la crise grecque est devenue une menace systémique pour l'économie mondiale, la zone euro a décidé de frapper un grand coup en se dotant d'un mécanisme de gestion de crise reposant sur une garantie financière de l'ensemble de ses membres.

Ce dispositif, encore inimaginable il y a trois mois, permettra à la Commission européenne de s'endetter sur les marchés financiers, avec la garantie des Etats membres de l'UE et de la Banque centrale européenne, afin de prêter à un pays rencontrant des difficultés à se refinancer.

La mesure, à laquelle la déclaration finale du sommet européen de la zone euro fait référence sans l'expliciter, avait été exclue à la création de l'euro en 1999 pour éviter qu'un pays ne soit tenté de laisser filer ses déficits publics en escomptant un soutien communautaire.

En Allemagne, le pivot de la zone euro, la création d'une telle facilité a toujours été un tabou dans la mesure où Berlin considérait avoir déjà fait un compromis historique en permettant aux pays du "Club Med" (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) d'adopter la monnaie unique.

Mais la gravité de la crise grecque et les risques de propagation à d'autres économies fragilisées ont conduit à une révision des concepts.

STABILITÉ DE LA ZONE EURO

Ce mécanisme de gestion de crise doit maintenant faire l'objet d'une discussion entre les ministres des Finances de l'ensemble de l'UE dimanche, qui en finaliseront les aspects techniques et le formaliseront.

Deux dirigeants européens - le Français Nicolas Sarkozy et l'Italien Silvio Berlusconi - ont annulé leur déplacement prévu dimanche à Moscou pour assister aux cérémonies du 65e anniversaire de la victoire de l'Armée rouge sur l'Allemagne nazie.

Sur un plan juridique, le mécanisme repose sur l'article 122-2 du traité européen qui stipule que "lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l'Union à l'État membre concerné".

Sur un plan pratique il consiste sans le nommer en une généralisation aux membres de la zone euro de la facilité à la balance des paiements existant déjà pour les pays de l'UE qui n'ont pas encore adopté la monnaie unique.

La BCE offrirait une garantie implicite à ce mécanisme en s'engageant de manière claire à agir pour "assurer la stabilité de la zone euro".

En échange de cette avancée majeure, Angela Merkel a obtenu de ses partenaires de la zone euro que le pacte de stabilité et de croissance, qui marque une limite de 3% du PIB pour les déficits publics et de 60% du PIB pour la dette, soit renforcé.

Dans la déclaration finale du sommet, les Seize disent notamment leur volonté d'élargir et de renforcer la surveillance des politiques de la zone euro, en suivant de plus près les niveaux d'endettement et l'évolution de la compétitivité.

Les sanctions du pacte seront aussi rendues "plus efficaces", même si aucun détail n'est fourni à ce stade et la discussion à Vingt-Sept pourrait s'avérer compliquée.

Selon plusieurs sources diplomatiques européennes, un premier pas consisterait à mettre en oeuvre de manière plus ferme des dispositions déjà contenues dans la "table de la loi" de la zone euro, comme la suspension des droits de vote à l'Eurogroupe pour les pays qui s'affranchiraient des règles.

AXE FRANCO-ALLEMAND

A 24 heures d'élections décisives en Rhénanie du Nord-Westphalie, les résultats du sommet de Bruxelles sonnent comme une défaite pour la chancelière allemande, qui avait largement marqué le tempo européen depuis l'aggravation de la situation en Grèce en début d'année.

A l'inverse, Nicolas Sarkozy, qui insistait depuis plusieurs semaines sur un dispositif fort de solidarité européenne, sort renforcé des huit heures d'intenses délibérations à Bruxelles, qui se sont achevée tard dans la nuit de vendredi à samedi.

Le locataire de l'Elysée a d'ailleurs retrouvé lors de sa conférence de presse finale les accents de la présidence française de l'UE, lorsqu'il avait coordonné la réponse européenne à la crise financière.

"Je me suis donné beaucoup de mal pour qu'on rassemble tout le monde. Vous ne croyez pas que je vais dire un mot pour créer de la division en Europe alors qu'on a besoin d'unité", a dit le président français, sans pour autant démentir avec beaucoup de vigueur les informations selon lesquelles les discussions franco-allemandes avaient été parfois tendues vendredi soir.

De son côté, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a déclaré samedi que le sommet de l'Eurogroupe avait été surtout l'occasion "d'accorder les violons de la France et de l'Allemagne".

Edité par Jean-Loup Fievet