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Les marchés rassurés par les annonces d'une FED « prête à agir »

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- - AFP

Mise à jour - Le président de la Réserve fédérale américaine admet que les incertitudes mondiales pourraient avoir un impact sur l'économie américaine et ouvre donc la porte à une baisse des taux.

Etant donné que la politique des banques centrales en général, et celle de la FED américaine en particulier est depuis plusieurs mois l’aiguillon principal des marchés boursiers, autant dire que l’audition de Jérôme Powell, président de la réserve fédérale ce mercredi est attendue comme le Messie.

« La FED devient bel et bien « the only game in town », commente Stéphane Déo, stratégiste à la Banque Postale Asset Management, tandis que les données macro-économiques sont souvent snobées par les marchés.

Marchés qui angoissent franchement à l’idée que la FED réduise ses ambitions de baisse des taux, voire (cauchemar absolu) les repoussent dans le temps. Il faut dire que les dernières données de l’économie américaine sont bonnes, notamment les créations d’emploi, la croissance, alors que Donald Trump multiplie les pressions pour une baisse de taux rapide et conséquente (50 points de base).

Le S&P 500 pour la première fois au-dessus des 3000 

Ce mercredi, devant le Congrès, Jerome Powell a insisté sur « les inquiétudes sur la faiblesse de la croissance mondiale » et « les incertitudes autour des tensions commerciales » qui peuvent « avoir un impact sur l'économie américaine », ce qui a immédiatement fait baisser le billet vert. Il ajoute (répète même) que la Réserve fédérale reste prête à « agir de manière appropriée » pour soutenir la croissance. Mais à l'heure où nous écrivons ces lignes, ni l'ampleur, ni le calendrier des baisses n'a été communiqué.

Il a également admis que « beaucoup » de membres du Comité monétaire s'étaient « montrés disposés » à considérer « une politique monétaire un peu plus accommodante » lors de la dernière réunion du 19 juin où la FED avait laissé les taux inchangés. 

Les marchés ont évidemment accueilli ces déclarations avec enthousiasme. Le S&P 500 a passé pour la première fois de son histoire le cap des 3000 points en séance. 

D'un autre côté, Jerome Powell a aussi décrit une économie demeurant robuste, « Notre scénario de base est que la croissance économique va rester solide, le marché du travail dynamique et que l'inflation va remonter autour de la cible de 2% », a-t-il expliqué. Tout en notant un décalage de la réalité face à ce scénario, notamment du côté de l'inflation encore faible (1,5%).

De plus, le patron de la FED a relevé le dynamisme de la consommation, traditionnel moteur de l'économie américaine: « les récentes données montrent qu'il y a un rebond des dépenses de consommation qui tournent à un rythme solide ». 

Il n'y a pas de « nécessité immédiate » de modifier les taux d'intérêt, estime d'ailleurs Patrick Harker, le président de la FED de Philadelphie. Des baisses de taux seraient justifiées en cas de « fort ralentissement » de l'économie américaine mais ce n'est pas le cas actuellement, ajoute-t-il.

« Réduire les taux à ce stade pourrait renforcer le sentiment négatif sur une détérioration des perspectives, même si ce n'est pas le scénario de base, et cela pourrait encourager les déséquilibres financiers au vu du niveau actuel des taux d'intérêt, ce qui pourrait être contre-productif », ajoute Loretta Mester, la présidente de l'antenne régionale de Cleveland.

Agressif

Quant à Jérome Powell lui-même, il déclarait le 25 juin dernier : « De nombreux membres du FOMC estiment que les arguments en faveur d'une politique un peu plus accommodante se sont renforcés. Mais nous sommes également conscients du fait que la politique monétaire ne doit pas réagir de façon excessive à une statistique particulière ou à une variation à court terme du sentiment. Agir ainsi risquerait d'ajouter encore plus d'incertitude aux perspectives ».

Néanmoins, si une baisse (de précaution pourrait-on dire) a toutes les chances d'être programmée pour fin juillet, elle ne sera pas aussi agressive que prévu : 25 points de base selon le consensus.

Quant à la répétition de ces baisses, nous sommes encore dans la spéculation, certains tablant sur 2 voire 3 supplémentaires, d'autres sur aucune. « Les investisseurs, anticipant largement une baisse des taux fin juillet, cherchent par ailleurs à recueillir des indices sur une baisse ultérieure des taux directeurs », déclare Invest Securities dans une note.

« La FED est probablement dans une approche de gestion du risque. Prendre une assurance contre les « mauvaises nouvelles », tout en gardant de « la poudre au sec » pour avoir les moyens de gérer le retournement cyclique le jour où il viendra (ce ne devrait pas être pour de suite) devrait être l’option privilégiée : 25 centimes de baisse du taux directeur, annoncés le 31 juillet ? Cela ne serait alors pas une grosse surprise pour le marché », commente Hervé Goulletquer, stratégiste. Pas une grosse surprise mais une déception, sûrement.

Déception et retour de bâton

Véritable nouvelle drogue des marchés, les politiques monétaires accommodantes pourraient néanmoins, si la répétition des baisses se confirme, se retourner contre eux.

Comme l’a rappelé sur BFM Business, Patrick Artus, économiste et directeur de recherche chez Natixis, « On arrive à la limite des taux bas. Il faut faire très attention, il y a plein d’inconvénients majeurs qui surviennent quand les taux d’intérêts sont bas », notamment l'affaiblissement des banques qui rappelons-le sont les poids lourds des marchés boursiers...

Olivier CHICHEPORTICHE