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LVMH, Dassault, Whirlpool, Total... Pourquoi ces noms figurent dans les Paradise Papers?

C'est aux Bermudes, qu'Appleby, le cabinet de fiscalistes dont des documents internes ont fuité, a installé son siège social.

C'est aux Bermudes, qu'Appleby, le cabinet de fiscalistes dont des documents internes ont fuité, a installé son siège social. - R'lyeh Imaging - CC

Dans l'enquête internationale sur les Paradise Papers, les noms de grandes entreprises qui surfent sur les zones floues de la législation fiscale pour payer moins d'impôts s'accumulent. Tour d'horizon.

L'entourage de Donald Trump et de Justin Trudeau, la Reine d'Angleterre, le réalisateur Jean-Jacques Annaud. Le consortium des journalistes d'investigation qui a travaillé sur les Paradise Papers continue d'égrainer le nom de personnalités impliquées dans ce vaste scandale d'évasion fiscale. Et aussi, celui de grands groupes, mastodontes dans leur secteur, comme Total, Facebook, Glencore, Dassault, Apple, Nike ou Whirlpool. Voici ce qui leur est reproché:

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- © Eric Guinther - CC

> Glencore et les 107 sociétés écrans

Le cas du géant minier est emblématique des pratiques fiscales douteuses révélées par les Paradise Paper. Cette enquête a pu se faire grâce à des fuites de millions de documents internes, dont une grosse part provient du siège d'Appleby, un grand cabinet d'avocats fiscalistes logé aux Bermudes, et dont l'un des plus gros clients est… Glencore. Ses spécialistes gèrent pour la firme anglo-suisse 107 sociétés offshore où sont transférés des millions de dollars. Elles serviraient à échapper aux impôts et à acheter des mines en toute opacité, parfois en passant par des intermédiaires à la réputation sulfureuse, comme le raconte Le Monde.

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- © Bill Abbott - CC

> Les conseils anti-TVA de Dassault

Le fabricant du Rafale est accusé de jouer un rôle actif pour alléger la fiscalité de ses clients, notamment pour leur éviter de payer plusieurs millions d'euros de TVA. Dans Cash Investigation jeudi, les équipes d'Élise Lucet se font passer pour un acheteur de jet privé. Ils filment en caméra caché un représentant de Dassault Aviations qui leur explique quel genre de montage fiscal peut leur permettre d'éviter la TVA, et les oriente vers le paradis fiscal de l'Ile de Man.

> Apple et son nouvel éden fiscal

Entre 1991 et 2000, Apple payait l'impôt sur les sociétés en Irlande, à un taux de 2%, très loin des 12,6% officiels dans le pays. Mais en 2016, la Commission européenne considère ce taux d'impôt comme "une aide d'État abusive", et met la firme à l'amende. Les Paradise Paper révèlent que loin de changer de comportement, Apple a tout simplement changé de crèmerie. Dès 2014, le groupe a déménagé ses filiales sur l'île anglo-normande de Jersey, dont le taux d'IS est nul, et qui ne pratique aucun échange d'information avec l'UE.

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- © Thomas Samson - AFP

> Les royalties artificielles de Nike, Uber et Allergan

Sur le même principe que chez Starbucks, les filiales mondiales de Nike versent des royalties à la maison-mère pour utiliser le sigle et le slogan de la marque. Ainsi, chaque filiale déclare des bénéfices "allégés" dans les pays où elles réalisent leurs ventes, et donc y paient moins d'impôts sur les sociétés. Les royalties, elles, sont logées par un système de filiales complexe, aux Pays-Bas et aux Bermudes. Un montage qui permet au numéro 1 mondial des vêtements de sport d'échapper au paiement de milliards d'euros d'impôts. La société de VTC Uber, et Allergan, le laboratoire pharmaceutique qui fabrique le Botox, ont également eu recours à des montages comparables.

> Whirlpool et la lessiveuse fiscale

Le géant américain de l'électroménager a payé 200 millions de dollars d'impôts en 2015, sur 1 milliard de bénéfices. L'IS étant à 35% aux États-Unis, Whirlpool aurait dû verser au moins 100 millions d'euros de plus. Mais il dispose d'un système d'optimisation fiscale très technique. Les recettes des filiales qui vendent partout dans le monde ne vont pas directement dans les caisses de la maison-mère américaine. Ce cash circule sous forme de prêts et de remboursements internes dans une multitude de holdings financières qui sont autant de coquilles vides. Des structures sans bureaux ni salariés logés dans des paradis fiscaux, au Delaware, aux Bermudes, à l'île Maurice ou au Luxembourg.

> Total sous le soleil des Bermudes

Le pétrolier Total aurait utilisé une trentaine de filiales aux Bermudes à des fins d'optimisation fiscale, selon l'enquête de France Info. Les bénéfices d'activités aux Émirats Arabes Unis seraient ainsi totalement défiscalisés en étant transférés dans ces filiales.

> LVMH et ses six paradis

L'homme le plus riche de France, le milliardaire Bernard Arnault et son groupe LVMH auraient placé "des actifs dans six paradis fiscaux", selon Le Monde, dont un yacht détenu par une société maltaise et immatriculé aux Caïmans.

> Engie et les centrales australiennes

Selon les Paradise Papers, International Power, un groupe britannique dont Engie avait pris 70% en 2011 (puis 100% en 2012) a mis au point plusieurs stratagèmes pour faire remonter les profits de deux centrales australiennes, l'une à charbon, l'autre à gaz, sans payer d'impôt. Au lieu de les faire remonter sous forme de dividendes à la maison-mère, l'entreprise est passée par un système de "prêts spécialisés" entre 2004 et 2012, via des banques australiennes. Jusqu'à un milliard de dollars ont ainsi échappé à l'impôt.

En 2012 le fisc britannique prend une réforme pour mettre fin à la faille juridique que constituent ces prêts. International Power utilise alors une autre niche fiscale, de 2009, qui exonère les paiements de dividendes venant de filiales étrangères vers leurs maisons-mères, explique Le Monde. L'entreprise britannique transforme alors ce milliard de prêt en milliard de dividendes en juin 2012.

Luxleaks, Panama Papers... Des affaires d'évasions fiscales -et même de fraudes fiscales- de grands groupes ont éclaté au grand jour avant les Paradise Paper. Mais ces entreprises ne se sont pas résolues pour autant à changer leurs pratiques. L'économiste spécialiste des paradis fiscaux Gabriel Zucman déplore ainsi que, "à chaque fois qu'une faille fiscale est repérée, les multinationales en trouvent dix autres".

Nina Godart