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Marchés boursiers : « le 3e trimestre ne sera pas un fleuve tranquille »

La Bourse de Paris accueille avec soulagement la détente commerciale

La Bourse de Paris accueille avec soulagement la détente commerciale - AFP

Après un premier semestre tonitruant, le CAC 40 gagnant par exemple plus de 17%, les marchés actions devraient plier sous le poids de certaines réalités économiques selon deux experts.

Du jamais vu depuis 1998. Durant les six premiers de l’année, l’indice phare de la Bourse de Paris a gagné plus de 17% tout comme le DAX allemand. Aux Etats-Unis, le S&P 500 a battu en séance son record historique tandis que le Dow Jones a pris 14% pendant la période.

Une surprise compte tenu des incertitudes qui se sont multipliées et la question est de savoir si les conséquences de ces mêmes incertitudes (guerres commerciales, Brexit dur…), soit un ralentissement général, ne vont pas finir par faire plier les marchés.

Pour Alexandre Baradez, Responsable Analyses Marchés chez IG France, « difficile d’être optimiste pour la croissance mondiale et pour l’évolution des marchés actions dans les mois qui viennent ».

« Plusieurs indicateurs avancés, notamment aux États-Unis, envoient des signaux inquiétants », souligne le spécialiste.

Et d’expliquer : « Quand on parle de l’économie américaine, on fait tout de suite référence à la consommation qui représente la plus grande partie du PIB. Et les derniers chiffres ne sont pas rassurants : 3ème repli des commandes de biens durables sur les 4 derniers mois et repli de la confiance des consommateurs sur les niveaux de septembre 2017 dans un contexte de tensions commerciales ».

« Les déconvenues pourraient alors se payer cher »

L’analyste met également en avant d’autres indices inquiétants « la plus faible progression du prix des maisons depuis 2012. Mais c’est probablement les indicateurs « soft », dont les PMI et l’ISM font partie, qui envoient les signaux les plus dangereux. L’indice PMI Manufacturier américain est tombé à 50.1 en juin, son plus bas niveau depuis septembre 2009, à limite de la contraction… Et ce n’est pas beaucoup mieux pour les services. Là aussi, douche froide depuis quelques mois : l’indice PMI Services est tombé à 50.7 en juin, son plus bas niveau depuis février 2016. Forte dégradation également de l’ISM Manufacturier qui évoluait à plus de 60.0 en août dernier contre 52.1 en mai ».

« Il semble difficile de parier sur un scénario rapide d’accélération de la croissance », affirme alors Alexandre Baradez. « Difficile également d’attendre un miracle en zone euro au moment où le climat des affaires tombe sur un plus bas de 3 ans, au moment où l’Allemagne continue d’inquiéter. Quant à la Chine, elle connait sa plus faible croissance de la production industrielle depuis 2002 et une progression des ventes au détail sur les niveaux de 2003 ».

La correction est donc une certitude ? Pas si simple car c’est sans compter « sur la rhétorique très accommodante des banquiers centraux depuis janvier, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Des interventions qui ont renforcé l’appétit pour la dette à risque américaine (High Yield US) dans un contexte de ralentissement économique mondial. C’est un match macroéconomie contre banques centrales qui se joue actuellement sur les marchés ».

Dichotomie entre les fondamentaux et les cours boursiers 

« Dans ce contexte, les fonds obligataires ont enregistré 25 semaines consécutives de flux entrants et les points bas de volatilité sur les indices actions se redressent depuis quelques mois. Le 3ème trimestre ne sera pas un long fleuve tranquille ».

Un avis partagé par Stéphane Déo, stratégiste à la Banque Postale, Asset Management. « La progression des bourses est uniquement le fait d’une expansion des multiples. La diminution relative du risque politique mais surtout la politique des banques centrales expliquent et peuvent justifier ce mouvement ».

« Il n’en demeure pas moins que les fondamentaux donnent de plus en plus de signes de fatigue et que la dichotomie entre les fondamentaux et les cours boursiers ne peut pas durer éternellement. La très bonne performance des actifs risqués doit beaucoup au vœu pieux que les banques centrales réussiront à maintenir la situation à flot. C’est possible et même plausible, mais c’est un pari et les marchés semblent embrasser cette vue sans beaucoup de réserves. Les déconvenues pourraient alors se payer cher ».

La résolution ou non de deux dossiers centraux que sont les négociations commerciales sino-américaines et la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne conditionneront la réalité de ce scénario.

Olivier CHICHEPORTICHE