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Non, les Allemands ne rachètent pas toutes les entreprises françaises, c'est le contraire

Alors que des voix s'élèvent pour dénoncer la vente du fleuron français Alstom à l'allemand Siemens, une étude révèle que depuis 10 ans, il y a bien plus d'entreprises françaises qui rachètent des pépites outre-Rhin que l'inverse.

La France est-elle en train de brader ses fleurons à l'Allemagne? L'encre de la vente d'Alstom à Siemens n'est pas encore sèche que les attaques pleuvent de tous côtés. Et avec elles la crainte de voir la France perdre sa souveraineté économique au profit d'une Allemagne conquérante. Mais qu'en est-il vraiment? Les entreprises allemandes sont-elles réellement en train de faire main basse sur les entreprises françaises?

La réponse est clairement non. Il suffit pour s'en convaincre de lire la dernière étude de PriceWaterhouseCooper sur le sujet. En 2016, 25 entreprises françaises ont été rachetées par des Allemands. Alors que, toujours l'an passé, 93 sociétés allemandes sont passées sous pavillon français. 2016 a certes été une année exceptionnelle. Mais la tendance est la même depuis 2008. Comme on le voit sur le graphique ci-dessous, chaque année, il y a bien plus d'entreprises françaises qui rachètent des allemandes que l'inverse. Et ces dernières années, le mouvement s'est même accéléré. 

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"Pendant les 15 années précédentes, les sociétés françaises réalisaient en moyenne 35 rachats d’entreprises allemandes par an et ce chiffre est passé à 74 en 2015 et à 93 en 2016, relève l'étude de PWC. Cette intensification des opérations transfrontalières permet à la France de continuer sa progression sur le marché allemand; elle passe ainsi de la cinquième place des pays investissant le plus en Allemagne en 2014, à la quatrième place en 2015 et à la troisième place en 2016. L’Allemagne a, quant à elle, réalisé 25 acquisitions en France, en léger repli par rapport à 2015."

De Seb à PSA en passant par Blablacar

Et il ne s'agit là pas seulement de rachats de PME qui opèrent sur des marchés de niche. Dans les biens d'équipement, les logiciels et même l'automobile, la France a mis la main ces derniers mois sur des fleurons outre-Rhin. Rien qu'en 2016, Seb qui avait déjà racheté Krups en 2001 a ainsi croqué WMF le numéro un mondial des machines à café professionnelles, également fabricant d'ustensiles de cuisine, de couverts ou encore de poêles. Une pépite qui a coûté 1,59 milliard d'euros au champion français du petit électroménager. Valeo a de son côté pris le contrôle du spécialiste des systèmes d'embrayage FTE Automotive pour 819 millions d'euros. Atos s'est offert le spécialiste du logiciel Unify (590 millions d'euros). Sans même parler de PSA qui s'est payé Opel pour 2,3 milliards d’euros. Si cette marque automobile créée en 1862 à Rüsselsheim par Adam Opel appartenait depuis 1929 à l'américain General Motors, l'entreprise et ses salariés sont bien basés en Allemagne.

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Et même dans le numérique, les start-up françaises sont conquérantes. En 2015, Blablacar et l'allemand Carpooling se disputaient la conquête du marché du covoiturage en Europe. Et bien que plus ancienne (création en 2001) et soutenue par le géant de l'industrie automobile Daimler, Carpooling s'est pourtant faite rachetée il y a deux ans par sa rivale française qui est devenue avec 90% du marché, l'archi-leader du covoiturage en Europe.

Les entreprises allemandes plus attractives

Alors certes, on ne trouve pas dans cette liste hétéroclite des géants de la taille d'Alstom. Les méga-rachats étant relativement rares. On peut néanmoins citer l'acquisition en 2007 de Puma par Kering, anciennement PPR, pour 5,3 milliards d'euros. Mais si ces acquisitions concernent essentiellement des entreprises méconnues du grand public, c'est parce que le tissu industriel allemand est essentiellement composé de grosses PME et autres entreprises de taille intermédiaire. Des sociétés familiales, dont le rachat par des groupes français ne crée pas vraiment d’émoi. Du moins quand l'acquéreur est européen. Le rachat du spécialiste des robots industriels Kuka par un Chinois a lui fait scandale.

Mais faut-il se réjouir pour autant de cette propension des français à racheter autant d'allemands? Si cela permet aux entreprises tricolores d'acquérir des compétences et d'investir de nouveaux marchés, il révèle peut-être en creux une faiblesse du tissus industriel français. On va chercher en Allemagne ce qu'on ne trouve pas chez nous... "L’attractivité et le succès de l’Allemagne s’expliquent notamment par la vitalité de son secteur industriel, et plus particulièrement son Mittelstand qui regroupe des dizaines de milliers de PME dynamiques et tournées vers l’export, confirme Olivier Lorang, directeur chez PwC. C’est aussi leur agilité et leur capacité d’innovation qui attirent les investisseurs étrangers, ainsi que le "Made in Germany", symbole de qualité." Bref si les Allemands sont autant convoitées par les Français, c'est peut-être avant tout parce qu'ils sont plus séduisants...

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco