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Panneaux solaires contre vins: la Chine et l’UE sur le chemin de la guerre?

Les exportations de vins européens sont menacées par la Chine. Une surtaxe pourrait avoir des conséquences importantes pour les vignobles français.

Les exportations de vins européens sont menacées par la Chine. Une surtaxe pourrait avoir des conséquences importantes pour les vignobles français. - -

La Chine menace, ce mercredi 5 juin, de surtaxer les vins européens, en guise de représailles contre la taxe adoptée par l’Union européenne sur les panneaux solaires chinois. Comment en est-on arrivé là? Que risque l’UE? BFM Business résume les enjeux de la guerre commerciale qui débute.

"Tu taxes mes panneaux solaires, j’augmente les droits de douanes sur ton vin". Ce mercredi 5 juin, la Chine applique la loi du talion au commerce international: œil pour œil, dent pour dent. La menace de Pékin, en réplique aux sanctions de Bruxelles, affole les chancelleries européennes. Les exportations de vins et spiritueux du Vieux continent vers l’Empire du milieu représentent plus d’un milliard d’euros, et la France pourrait être une des premières victimes en cas de guerre commerciale. Comment en est-on arrivé là et que risque l’Europe? Réponse en cinq points.

> Pourquoi l'UE et la Chine s'écharpent-elles sur le solaire?

A cause du prix des panneaux photovoltaïques. Bruxelles accuse Pékin d’exercer une concurrence déloyale en subventionnant ses entreprises dans le secteur du solaire, afin de vendre ses panneaux à des prix imbattables. La Commission européenne a diligenté une enquête sur ces pratiques de "dumping", après la plainte de Solar World, une entreprise allemande, à l’été 2012.

Le contentieux est de taille: l'UE veut se mettre au vert et représente le premier marché mondial pour le solaire. Mais au lieu de produire eux-mêmes leurs panneaux solaires, les Européens les importent depuis la Chine. Pékin écoule ainsi 80% de sa production en Europe. Résultat, l’industrie photovoltaïque européenne est à la peine: 25.000 emplois seraient menacés au sein de l'UE, selon Bruxelles.

> Que prévoit la sanction adoptée par Bruxelles?

La Commission européenne a décidé de taxer temporairement les panneaux solaires chinois qui entrent dans l'UE. Jeudi 6 juin, des droits de douanes de 11,8% entrent en vigueur. Pékin dispose de deux mois pour revoir le prix de ses panneaux à la hausse. Si la Chine ignore cet avertissement, la taxe passera à 47% dès le 6 août prochain. Cité par Le Figaro, le commissaire européen au commerce, Karel de Gucht, a annoncé la couleur: "l'offre est à prendre ou à laisser, elle ne se répétera pas."

> Pourquoi l'Allemagne s'oppose-t-elle à toute sanction contre la Chine?

Par peur d'une guerre commerciale. Depuis le début de ce bras de fer, Angela Merkel soutient une négociation sans sanction. La chancelière défend d'abord ses intérêts nationaux: l'Allemagne est le premier partenaire commercial de la Chine. L'Empire du milieu représente un énorme marché d’exportation que les entrepreneurs d'outre-Rhin ne veulent pas perdre. Lors de sa dernière visite, le Premier ministre chinois Li Keqiang a d'ailleurs promis un accès privilégié au marché chinois pour les entreprises allemandes.

Dix-sept autres pays européens craignent également des représailles chinoises. Royaume-Uni et Pays-Bas, notamment, refusent de pénaliser leurs exportateurs. Autre facteur de réticence: l'industrie photovoltaïque européenne est surtout composée d'installateurs de panneaux, qui profitent des produits chinois à bas prix.

> L'UE a-t-elle beaucoup à perdre en cas de conflit ouvert?

Les représailles ont déjà commencé. Pékin vient de lancer sa propre enquête anti-dumping: elle retourne la stratégie de Bruxelles contre les vins européens, accusés d’être subventionnés. L'enjeu n'est pas négligeable: les exportations de vins de l'UE vers la Chine pèsent plus d'un milliard d'euros. La France pourrait être la première touchée en cas de surtaxe: la Chine est le cinquième pays à l'exportation pour les vins français. Le marché chinois est d'ailleurs en pleine croissance: les exportations de crus français y ont bondi de 25% en 2012.

Le risque de contagion à d'autres secteurs est également important. La Chine est montée en gamme: elle concurrence l'UE sur ses industries stratégiques, comme les télécoms. Une enquête anti-dumping est déjà en cours à Bruxelles contre Huawei et ZTE, deux géants chinois du secteur. Du côté de Pékin, une autre enquête vise les tubes sans soudures, importés depuis l'UE.

Une guerre commerciale ne serait au fond que la conséquence d'une situation déjà tendue. Le déficit commercial de l'UE envers la Chine ne cesse de se creuser: il a atteint 122 milliards d’euros en 2012.

> Qui va gagner?

Les Chinois probablement, à cause de la division des Européens. La Commission européenne a pu adopter sa sanction sur les panneaux solaires parce qu'elle dispose d'une compétence exclusive en matière de commerce. Mais pour prolonger la mesure, elle aura besoin de l'aval du Conseil européen, au sein duquel la majorité des pays sont opposés aux sanctions.

Incapable d'offrir un front uni, l'UE pourrait donc perdre sur les deux tableaux à long terme: voir son vin surtaxé en Chine et détériorer ses relations commerciales avec Pékin, sans adopter aucune sanction réelle.

Romain Fonsegrives