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Passeports : Deux Etats de l’UE sur liste noire

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Accusés de vendre leurs passeports, Chypre et Malte ont été placés sur la « liste noire » de l’OCDE

La « citoyenneté par investissement ». C’est l’euphémisme auquel a recours l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour qualifier les dispositifs permettant de délivrer des documents d’identité moyennant finance. Il y a plus d’une centaine de configurations recensées dans le monde. Et pour l’institution internationale, dans le cas de 19 Etats, le risque potentiel est jugé « élevé ». Les deux seuls pays de l’Union européenne inscrits sur la liste mise à jour mercredi sont Chypre et Malte. La commissaire européenne à la Justice, Vera Jourova, considère ces passeports « dorés » chypriotes et maltais comme « problématiques et injustes ».

4,8 milliards€ pour Chypre

Vu de Bruxelles et par certaines agences de renseignement, ces papiers achetés posent de plus en plus souci pour la sécurité européenne. Vera Jourava estime que des individus « potentiellement dangereux » y ont accédé. Quels sont précisément l'ensemble des périls redoutés ? L’exécutif européen ne les établit pas encore. Via un système dédié, Chypre et Malte ont écoulé leur citoyenneté auprès de centaines de ressortissants de Chine, de Russie et du Moyen-Orient, qui ont ainsi acquis le droit de libre-circulation européenne. Un expert explique que des personnalités – russes, notamment - sous le coup de sanctions internationales ont pu en bénéficier. Recettes publiques pour Chypre et Malte

L’organisation Transparency International a publié, la semaine dernière, une étude détaillée : pour un passeport chypriote, par exemple, il faut bien compter 2 millions d’euros. D’après cette source, depuis 2014, cela aurait rapporté en tout 4,8 milliards d’euros à Chypre, 718 millions d’euros à Malte. A La Valette, l’IMC, l’association des intermédiaires dans cette activité, soutient que cela permet de réduire le déficit public et d’investir dans les infrastructures « vitales », afin de diversifier l’économie nationale.

L'UE désarmée

Au Conseil européen , comme de coutume, l’ordre du jour a prévu que les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 débattent d’immigration, de blanchiment d’argent et de sécurité, mais toujours pas de ce dossier des passeports « dorés ». Pour sa part, la commissaire européenne à la Justice devrait émettre, incessamment, une série de recommandations afin de renforcer les contrôles d’ici à la fin de l’année. Vera Jourova entend que des liens effectifs puissent être établis entre l’acquéreur et l’Etat. Toutefois, comme elle le reconnaît dans un entretien au quotidien britannique « The Guardian », « Bruxelles n’a pas le pouvoir d’interdire » ces dispositifs.

Les gouvernements à Nicosie et La Valette attendent ce rapport sûrs de leur bon droit : attribuer à un étranger la nationalité relève de l’exercice souverain de l’Etat. Ni la liste noire de l’OCDE, ni les mises en gardes de l'exécutif européen ne peuvent modifier ce principe général. Demeurent alors certaines considérations de morale publique exprimées chez eux-mêmes. Ainsi de cet éditorial du « Cyprus Mail », un journal chypriote de référence : « L’octroi aveugle de titres, excusable en période difficile, ne peut plus être justifié dans les conditions actuelles, peu importe qui en profite. »

Benaouda ABDEDDAÏM