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Pénurie alimentaire: comment le Venezuela en est arrivé là

Les manifestations se multiplient pour réclamer la fin de la pénurie touchant les produits alimentaires.

Les manifestations se multiplient pour réclamer la fin de la pénurie touchant les produits alimentaires. - Ronaldo Shemidt - AFP

"Au bord de la faillite, le pays a reçu de plein fouet l’impact de la baisse des prix du pétrole. Mais malheureusement pour ses habitants, le mal semble bien plus profond."

"C’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui se baignent nus". Signée Warren Buffett, la maxime pourrait se rappeler au bon souvenir des dirigeants vénézuéliens, actuellement aux prises avec une terrible crise économique et politique.

Finances publiques au bord du gouffre, explosion de l’inflation, pénurie de nourriture… La chute des prix du pétrole place en effet le pays, dont l’or noir représente 96% des exportations, au bord de la faillite.

Mauvaise gestion 

Car à l’inverse d’autres pays producteurs, le Venezuela n’a pas su se mettre à l’abri d’un brusque effondrement des cours. Et ce même si le pays dirigé par Nicolas Maduro possède les plus grosses réserves d’or noir au monde. L’explication est multiple: lorsque le pétrole était au plus haut, "il y a eu un déficit d’investissement, notamment dans les infrastructures", indique Alexandre Delaigue, professeur d’économie à l’université Lille 1 et spécialiste du Venezuela. "Le problème, c’est que le pétrole vénézuélien est de mauvaise qualité, donc le raffinage requiert beaucoup de savoir-faire et d’investissements".

En clair, la rente pétrolière des années fastes n’a pas été utilisée pour moderniser les structures existantes, mais plutôt pour financer une politique sociale (éducation, santé), ayant du mal à contribuer au développement économique. Et pour cause: "Comme pour le pétrole, les personnes compétentes ont été écartées au profit de proches de Chavez (président de 1999 à 2013). On a beau mettre beaucoup d’argent pour réformer le système éducatif, si les responsables sont incompétents, ça ne marche pas", poursuit le spécialiste.

Corruption à tous les étages

"Il y a eu énormément de gaspillage", abonde Philippe Moreau Defarges, chercheur à l’Ifri, qui décrit un "pays qui n’a jamais été bien géré". Notamment avec "un évident problème de corruption".

La fameuse manne pétrolière, dont la gestion par la compagnie nationale PDVSA pose largement question, en est le symbole. Selon l’ONG Transparency, le pays occupe ainsi la 158ème place (sur 168) dans le classement des nations les plus corrompues au monde.

Le fléau est d’ailleurs présent à tous les étages: "Le gouvernement a tenté de diversifier ses ressources énergétiques, notamment en construisant des barrages produisant de l’électricité", se rappelle Alexandre Delaigue. "Mais plusieurs d’entre eux n’ont jamais été construits alors qu’ils avaient été payés, parfois même deux fois". Résultat: faute d’infrastructures en nombre suffisant, la sécheresse qui a frappé le pays lors des deux dernières années a considérablement affaibli l’économie.

Une inflation attendue à 720% en 2016

Dans cette période difficile, le Venezuela ne peut, en outre, pas compter sur d’éventuels investissements étrangers. Le code du travail local, drastique et dont le non-respect entraîne immédiatement une nationalisation de l’entreprise, freine en effet les ardeurs des prétendants. La corruption et la criminalité (Caracas est considérée comme la capitale la plus dangereuse du monde) également.

En attendant une hypothétique remontée des cours du pétrole, qui redonnerait un peu d’air au pays, celui-ci se voit contraint de limiter ses importations. Avec, pour conséquence, une pénurie alimentaire et une inflation qui devrait atteindre… 720% en 2016, selon le FMI. Et pas sûr que les performances de l’équipe de football vénézuélienne, qui participe actuellement à la Copa America, ne suffisent à redonner le sourire aux habitants.