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Peut-on encore bloquer le Ceta?

Le Ceta entre provisoirement en application ce jeudi.

Le Ceta entre provisoirement en application ce jeudi. - Frederik Florin - AFP

Alors que le traité de libre-échange entre l’UE et le Canada entre en application de manière provisoire ce jeudi, ses opposants réclament sa suspension. Sans être impossible, ce scénario a peu de chances de se produire.

Malgré le baroud d’honneur d’une cinquantaine d’associations appelant à sa suspension, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta) entre officiellement en application ce jeudi. De manière provisoire, certes, mais avec des conséquences que certains imaginent déjà irréversibles.

Car dans les faits, la quasi-totalité du texte controversé est désormais mis en œuvre, à commencer par la suppression de 98% des droits de douanes entre les deux parties.

Des motifs d’inquiétude existent, notamment en ce qui concerne les normes environnementales et sanitaires. Le principe de précaution, à titre d’exemple, n’est pas inscrit dans l’accord.

Les craintes des opposants se cristallisent également autour de la thématique du climat, puisque les négociations du Ceta avaient été menées indépendamment de celles de l’Accord de Paris, et que le Canada regorge d’énergies fossiles. C’est d’ailleurs la conclusion d’un rapport indépendant commandé par la France, qui juge le texte "légèrement défavorable" au climat.

Seul motif de satisfaction pour les pourfendeurs du texte: la mise en place de tribunaux d’arbitrage privés, censés régler les conflits entre États et entreprises, ne se fera que lors de son adoption définitive, soit après sa ratification par les parlements nationaux.

L'accord suspendu aux parlements nationaux... en théorie

En théorie, le texte est en effet suspendu aux votes souverains des 38 assemblées nationales et régionales d’Europe. En cas de refus de l’une d’entre elles, son application définitive sera bloquée.

Sauf que pour l’instant, seuls cinq pays –Lettonie, Danemark, Espagne, Croatie et Malte– l’ont validé. Et que les autres, en particulier la France, ne semblent pas pressés de soumettre le texte à leur parlement. "L’Assemblée nationale maîtrise son agenda mais concrètement, il suffit qu’Emmanuel Macron demande à mettre le Ceta à l’ordre du jour pour qu’il soit examiné et éventuellement suspendu. Il ne le fera pas car il soutient le texte", confie un bon connaisseur du dossier.

D’autres gouvernements, favorables au texte mais pas certains qu'une majorité de parlementaires soient de leur avis, peuvent également avoir intérêt à ce que la procédure traîne en longueur. On se souvient par exemple que le parlement wallon avait longtemps bloqué la signature de la Belgique au bas de l’accord. Une suspension du Ceta ouvrirait en effet la porte à une nouvelle période de négociations, pendant laquelle les mesures "provisoires" auront le temps de s’ancrer dans les différentes économies européennes. Il sera alors difficile de faire machine arrière.

Yann Duvert