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Le plan anti-crise de la BCE examiné par les sages allemands

Jörg Asmussen (à gauche) et Jens Weidmann (à droite) vont se livrer un duel à distance

Jörg Asmussen (à gauche) et Jens Weidmann (à droite) vont se livrer un duel à distance - -

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe examine mardi 11 et mercredi 12 juin, les plaintes visant le fonds de secours de la zone euro, ainsi que le plan anti-crise de la BCE. C'est sur ce deuxième point que se situe l'enjeu, les observateurs les plus pessimistes allant jusqu'à évoquer une sortie de l'Allemagne de la zone euro.

Comme en septembre dernier, la zone euro a rendez-vous avec la Cour constitutionnelle allemande. Ce mardi 11 juin, ainsi que mercredi 12 juin, les 8 sages garants de la loi fondamentale allemande vont examiner les plaintes de députés et de citoyens eurosceptiques contre le plan de sauvetage de la zone euro.

Plus exactement, la Cour examinera la validité du MES (Mécanisme européen de stabilité), le fonds de secours de la zone euro. Les sages lui ayant déjà donné leur feu vert, le 12 septembre dernier, sous certaines conditions, il est quasi-certain qu'ils ne changeront pas leur braquet.

Tout l'enjeu vient du deuxième et principal sujet: la légalité du plan anti-crise de la BCE, au regard de la loi allemande. Ce programme appelé OMT (pour Outright Monetary Transactions) consiste en des "rachats illimités" de dettes de pays en difficultés.

Pour le moment, les OMT n'ont pas encore été enclenchés. Mais leur simple annonce, en septembre dernier, a permis d'apaiser les tensions sur la zone euro, et d'en garantir l'unité. Ce pourquoi le verdict de la Cour, qui doit être communiqué vers l'automne prochain, sera scruté.

Un risque potentiel énorme

Les risques potentiels sont énormes. Dans un rapport révélé la semaine dernière par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, l'ancien juge de la Cour constitutionnelle, Udo di Fabio, va jusqu'à affirmer que si les sages jugent que la BCE outrepasse son mandat, l'Allemagne "devra exiger le retrait de l'union monétaire ou demander l'annulation des traités". Lui-même estime toutefois qu'une telle hypothèse est peu plausible.

"Historiquement, la Cour constitutionnelle n'a jamais prononcé de décisions allant contre l'intégration européenne", abonde Johannes Gareis, économiste de Natixis basé à Francfort. Selon lui, le scénario le plus probable est que la Cour constitutionnel valide le plan anti-crise de la BCE, sans y apposer de conditions contraignantes.

Le problème est que le plan de la BCE n'a pas bonne presse outre-Rhin. "Le programme OMT a été largement décrié en Allemagne. En particulier, la Bundesbank (banque centrale allemande) a contesté la légalité de la procédure. Selon elle, l’OMT enfreindrait l’interdiction faite à la BCE de financer les Etats.", écrit Clemente de Lucia, économiste chez BNP Paribas

Vers "une lutte fratricide"

Justement, Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, sera présent à Francfort. Auditionné par la Cour pour son expertise, il aura à cœur de défendre son point de vue. A contrario, l'Allemand Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, défendra la position de son institution. Il a déjà annoncé la couleur en affirmant au magazine allemand Bild, lundi que la censure des OMT pour la Cour, "aurait des conséquences sérieuses" pour la zone euro.

La Cour constitutionnelle sera donc le théâtre d'un affrontement à distance entre Weidmann et Asmussen. "La Cour constitutionnelle va faire face aux principes stricts de la Bundesbank, d'une part, et au pragmatisme de la Banque centrale européenne, d'autre part,", résume Johannes Gareis. Les deux hommes ont certains points communs. Outre leurs fonctions et leur costume-cravate impeccable, ils se connaissent depuis leurs études à Bonn, comme le relève le Handelsblatt qui évoque "une lutte fratricide" à venir.

Julien Marion