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Pourquoi la maison-mère de Conforama met la BCE dans l'embarras

La BCE risque de faire face à des critiques

La BCE risque de faire face à des critiques - Daniel Roland - AFP

La Banque centrale européenne avait acheté de la dette de cette entreprise dont le cours de Bourse a été broyé à la suite d'annonces sur des irrégularités comptables.

Penser qu'une entreprise basée en Afrique du Sud peut faire tousser une institution européenne à Francfort demande un peu d'imagination. C'est pourtant bien ce qui se passe avec Steinhoff, maison-mère notamment de Conforama ou Poundland. Le poids lourd de la distribution a annoncé jeudi la démission de son PDG à la suite de révélations sur de possibles irrégularités comptables touchant des actifs de 6 milliards d'euros.

Une annonce qui a littéralement pulvérisé le cours de Bourse de la société, cotée à Francfort et à Johannesburg. Le titre avait ainsi dévissé de plus de 50% peu après l'annonce. Et la valeur de sa dette, elle, a été tout autant impactée. Le prix des obligations du groupe a ainsi perdu près de 30%.

Plusieurs problèmes pour la BCE

Un gros hic pour la Banque centrale européenne, qui avait acquis des obligations de Steinhoff l'été dernier dans le cadre de son programme de rachats d'actifs (quantitative easing). En plus de la dette d'États, l'institution européenne intervient également sur le marché secondaire de la dette d'entreprises, pour, en clair, injecter des liquidités dans l'économie européenne et dynamiser l'inflation et la croissance. Le nombre de titres de dette d'État étant limité sur le marché, l'institution européenne achète donc de la dette d'entreprises, à condition que la note de crédit de ces sociétés soit assez élevée. C'est-à-dire au-dessus de la "catégorie spéculative", ce qui était le cas de Steinhoff jusqu'à ce vendredi matin. Depuis, Moody's l'a dégradée de 4 crans, la faisant passer en catégorie "très spéculative".

La BCE ne précise pas combien de dette elle achète dans chaque entreprise, mais elle détient en revanche un total de 130 milliards d'euros d'obligations d'entreprises selon Reuters.

Les déboires de Steinhoff posent plusieurs problèmes. Tout d'abord ils fournissent une arme aux détracteurs du plan de rachats d'actifs de la BCE, nombreux en Allemagne. Ces derniers font notamment valoir que, in fine, les pertes qu'enregistre la BCE sont supportées par les banques centrales, notamment la Bundesbank, première actionnaire de la BCE. "Dans ce programme, le risque lié à une entreprise est transféré du privé au public. Ce cas montre que le risque est trop élevé au regard des risques", explique à Reuters Helmut Siekmann, professeur de droit à l'Université Goethe de Francfort.

Ensuite, cet impair crée un risque pour l'image de la BCE qui a ainsi potentiellement investi dans une société accusée de malversations financières. Ses achats de dette Volkswagen, en juillet 2016, alors que la compagnie faisait face au Dieselgate lui avaient déjà été reprochés. L'eurodéputé allemand Fabio de Masi accusait alors la banque centrale européenne de renflouer Volkswagen via ce programme.

J.M.