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Pourquoi la Russie veut utiliser l'euro pour vendre son pétrole et son gaz 

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Moscou aimerait rapidement passer à l'euro pour ces opérations mais cela pourrait prendre un peu de temps.

Les appels du pied du ministère russe des Finances se succèdent. Le vice-ministre Vladimir Kolytchev a présenté le recours à la monnaie unique européenne comme une première étape vers l’abandon du dollar-roi dans le négoce mondial. II a parlé ainsi de commencer par livrer en euros les hydrocarbures russes aux « partenaires » de l’Union européenne. Pourquoi cette devise ? Il s’agit d’une monnaie de réserve internationale, ce qui n’est pas encore le cas du yuan chinois, explique-t-il. Cela garantirait la sécurité des flux, à une époque où les Etats-Unis imposent ici et là des restrictions de paiement. Et puis, d’après lui, l’euro en ressortirait renforcé.

La semaine dernière, son supérieur, sur la chaîne nationale d’information Rossiya 24, a déclaré que la Russie « va travailler » à cette évolution avec les Européens. Pour le ministre Anton Siluanov, il est d’un intérêt commun de ne plus utiliser le dollar. Le terrain semble en cours de préparation. Selon un quotidien économique moscovite, les banques russes achètent des montants d’euros sans précédent depuis 2014.

Au mois de juillet, l’équivalent de 2 milliards de dollars. Le responsable des changes d’un établissement russe, qui traite pour le secteur de la métallurgie, justifie ces achats massifs d’euros par un impératif plus immédiat : disposer de liquidités dans l’hypothèse d’une salve supplémentaire de sanctions financières américaines.

Accélération du mouvement ?

Les encouragements à une alternative monétaire européenne récemment formulés par le président de la Commission européenne et le chef de la diplomatie allemande reçoivent un écho positif. Toutefois, cela ne signifie pas encore que les Russes se convertissent à une quelconque idée d’euro prépondérant.

A plusieurs reprises, le président de la banque d’Etat VTB, Andreï Kostin, a fait valoir auprès du Kremlin la nécessité de recourir à d’autres devises que celle des Américains. Ceci étant, vendredi dernier, il a jugé impossible de sortir complètement du dollar affirmant : « Vous ne pouvez pas effrayer le peuple (…). C’est une utopie et je suis réaliste, je travaille dans le secteur bancaire. »

Le chemin à parcourir pour l’euro sera donc long. Une professeure de l’Académie russe d’économie insiste : un changement de paradigme monétaire ne s’opère pas au travers d’un « battage » médiatique, mais par des « actions mesurées ». Un signal alors, parmi d’autres : dans ses nouveaux contrats, Surgutneftgaz, une compagnie publique cotée (à Moscou et Londres) qui exploite d’importantes réserves en Sibérie occidentale, fait désormais signer des annexes autorisant le paiement en euros… Une action mesurée.