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Pourquoi les États-Unis ont besoin d'immigrés

Le décret Trump sur l'immigration a suscité une levée de boucliers.

Le décret Trump sur l'immigration a suscité une levée de boucliers. - Joel Raedle - AFP

Le décret du président Donald Trump limitant l'immigration aux États-Unis a soulevé un tollé. Pour des économistes, une telle décision nuit à l'économie du pays.

La question de l'immigration est sur toutes les lèvres aux États-Unis. Plusieurs grands patrons américains comme les PDG de Wal-Mart, IBM, PepsiCo, General Motors (GM), General Electric (GE), JPMorgan Chase, Tesla et Blackrock ont abordé vendredi lors de leur réunion avec Donald Trump le sujet au cours d'une réunion à la Maison Blanche. Cette première rencontre du "forum stratégique", cénacle mis en place par le président américain et regroupant une vingtaine de grands patrons américains pour le conseiller sur sa politique économique, était très attendue après la levée de boucliers que son décret anti-immigration a suscité dans les milieux d'affaires. Le tollé soulevé par le décret, qui ferme temporairement les frontières des États-Unis aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane et aux réfugiés, a montré la détresse des immigrés et permis de rappeler que les travailleurs étrangers qualifiés sont indispensables pour nombre d'entreprises américaines.

Un groupe de ces patrons aurait notamment demandé au président que les immigrés en possession d'un visa ne puissent pas être bloqués à leur arrivée sur le sol américain ou au moment d'embarquer dans un avion à destination des États-Unis. Donald Trump aurait alors assuré, d'après ce patron, que son administration ne bloquait l'entrée des États-Unis à aucune personne en situation régulière.

Les grandes entreprises américaines craignent non seulement des représailles des pays visés mais aussi que leurs employés soient affectés par la politique migratoire interdisant temporairement aux ressortissants de sept pays musulmans et à tout réfugié d'entrer aux États-Unis. Certaines comme les sociétés technologiques emploient des milliers d'ingénieurs étrangers, tandis que d'autres ont des gros projets dans des pays bannis par la nouvelle administration. 

25 millions de nouveaux emplois

Donald Trump a depuis longtemps affiché sa volonté d'instaurer une politique économique basée sur le principe de "l'Amérique d'abord" qui privilégie les travailleurs américains sur les demandeurs d'emploi immigrés. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le nouveau président a annoncé son ambition de créer 25 millions de nouveaux emplois durant les dix prochaines années et plus que doubler le taux de croissance à 4%. Des économistes, cependant, affirment que ces objectifs seront impossibles à atteindre sans reporter l'âge de la retraite ou d'accueillir un grand nombre d'immigrés, ou les deux. "La seule manière de donner du sens à ces propositions pour un économiste est d'augmenter la population", explique à l'AFP Jennifer Hunt, ancien chef économiste au ministère du Travail.

Jennifer Hunt, qui travaille maintenant à la Rutgers University, a aussi participé à des travaux menés par l'Académie nationale des sciences qui avaient conclu qu'à long terme, l'immigration bénéficierait beaucoup à l'économie américaine, avec "peu voire pas d'effets négatifs" sur l'emploi ou les salaires des Américains nés aux États-Unis.

Pendant les années 90, les immigrés ont aussi considérablement contribué, grâce à l'innovation, à la croissance. "En 2000 comparativement à 1990, le produit intérieur brut par habitant était entre 1,5% et 2,5% plus élevé avec l'immigration que sans immigration", a noté Jennifer Hunt. Et les immigrés ont représenté un tiers des nombreux nouveaux brevets déposés entre 1990 et 2000, selon elle.

"Totalement irréalisables" avec la main d'œuvre actuelle

Les objectifs de Donald Trump - augmenter la croissance, empêcher les entreprises d'externaliser une "main d'oeuvre bon marché" ou "protéger (ses) frontières des ravages des autres pays fabriquant nos produits, spoliant nos entreprises et détruisant nos emplois" - sont "totalement irréalisables" avec la main d'œuvre actuelle, renchérit Ian Shepherdson, chef économiste à Pantheon Macroeconomics. "Il n'y a simplement pas la main d'oeuvre pour y arriver", explique-t-il, en relevant que les entreprises elles-mêmes ont de plus en plus de difficultés à répondre à la demande, a fortiori si un programme de grands travaux est engagé.

Pour Ben Zipperer, de l'Economic Policy Institute, une croissance de l'immigration sera d'autant plus nécessaire qu'un Américain sur quatre sera âgé de plus de 65 ans dans les dix prochaines années. Cet expert explique dans son blog que la seule solution pour pourvoir les 25 millions d'emplois que Donald Trump entend créer d'ici dix ans, est de faire appel à des immigrés ou demander aux personnes de travailler plus longtemps.

 Actuellement, la main d'oeuvre immigrée représente environ 25 millions de personnes. "C'est une part plutôt importante de notre économie", a souligné l'économiste.

D. L. avec AFP