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Pourquoi les frontaliers français ne sont plus les bienvenus à Genève

Environ 100.000 habitants de l’Ain et de la Haute-Savoie franchissent la frontière chaque matin pour travailler dans la région de Genève.

Environ 100.000 habitants de l’Ain et de la Haute-Savoie franchissent la frontière chaque matin pour travailler dans la région de Genève. - Fabrice Coffrini-AFP

La directive sur la préférence à l'embauche des Genevois dans les organismes du canton subventionnés par l'État rejaillit sur le recrutement dans le privé. Elle affecte même des salariés suisses vivant en France, assimilés aux frontaliers.

Le canton de Genève n'est plus forcément l'Eldorado pour les salariés venus de France y chercher un emploi et... un bon salaire. Ils sont de plus en plus nombreux à voir au mieux leur candidature demeurer sans réponse, au pire à ressentir de la discrimination à l'embauche, en raison de leur situation de travailleurs frontaliers.

Certains candidats à un emploi dans le canton, cités par le quotidien suisse Le Temps, rapportent qu’habiter en France fait désormais office de critère rédhibitoire. Pire, certains Genevois d'origine, déclarant une adresse française, se voient fermer la porte du recrutement dans leur ville natale.

"Il y a une dizaine de jours, alors qu’elle déposait son CV dans une agence de placement genevoise, on lui a expliqué sans ambages qu’avec une adresse en France, elle ne risquait pas de trouver de sitôt un emploi dans une banque" explique le journal helvétique à propos de cette candidate d'origine genevoise à l'embauche dans le secteur bancaire suisse. Un comble quand on sait que sur les 100.000 habitants des départements frontaliers de l'Ain et de Haute-Savoie traversant chaque jour la frontière, 20.000 sont de nationalité suisse!

La raison de ce changement d'attitude? Les effets collatéraux de la directive édictée fin 2014 en faveur de la "préférence cantonale" à Genève. Elle oblige les entreprises et organismes qui reçoivent une aide de l’État à présenter leurs postes vacants systématiquement à l’office cantonal de l’emploi (OCE).

Ces employeurs doivent en retour recevoir les demandeurs d’emploi du canton proposés par l’OCE. À compétences égales, ils doivent privilégier leur recrutement face à un travailleur résidant en France ou dans un autre canton.

Même si cette directive ne concerne pas les entreprises privées du canton en les contraignant à embaucher local, elle suscite un climat de défiance, selon la presse locale. "Si le secteur public n'engage quasiment plus de non-résidents, il semble que les entreprises sont elles aussi désormais réticentes. Le président de l’association Genevois Sans Frontière Paolo Lupo confirme avoir entendu des témoignages dans ce sens" rapporte la Tribune de Genève.

La presse suisse fait remarquer que les travailleurs frontaliers participent activement à la prospérité économique du canton. Elle souligne que les travailleurs de Haute-Savoie et de l’Ain contribuent pour presque 20% au PIB genevois. De même, la lutte contre le chômage invoquée par la directive sur la préférence cantonale apparaît, aux yeux de certains, comme un argument fallacieux. Le taux de chômage dans le canton genevois, ne dépassait pas, en septembre 2016, 5,5% de la population active, contre 5,6% à la fin 2013.

Dans le canton du Tessin, une votation anti-frontaliers sème le trouble à Bruxelles

Les autorités de la Commission européenne n'ont guère apprécié le texte s'intitulant "Les nôtres d'abord" adopté dimanche 25 septembre 2016 par 58% des électeurs du Tessin, région italophone du sud de la Suisse. Ce texte présenté par l'Union démocratique du centre (UDC, droite populaire), exige que la constitution du Tessin stipule désormais "que sur le marché du travail soient privilégiés, à qualifications professionnelles égales, ceux qui vivent sur son territoire par rapport à ceux qui viennent de l'étranger", avec pour objectif de lutter contre le "dumping salarial" et le chômage.

"Nous prenons acte du vote intervenu dans le Tessin, qui d'après ce que nous comprenons, doit encore être validé par le gouvernement fédéral", avait déclaré Margaritis Schinas, porte-parole de la Commission, le lendemain de ce vote. "Il ne va pas faciliter d'une quelconque manière des discussions déjà difficiles", a-t-il ajouté. L'UE et la Suisse sont engagés depuis des mois dans des négociations pour déterminer comment Berne pourrait faire appliquer un précédent vote populaire de 2014, en faveur de l'introduction de quotas annuels de migrants (demandeurs d'asile, travailleurs frontaliers, etc.).

Frédéric Bergé