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Pourquoi les Vénézuéliens vont réduire l'usage de la télé et d'Internet

En raison de ces tarifs très accessibles, le Venezuela est un des pays d'Amérique latine qui consomme le plus de données mobiles, selon une étude de Telefonica.

En raison de ces tarifs très accessibles, le Venezuela est un des pays d'Amérique latine qui consomme le plus de données mobiles, selon une étude de Telefonica. - Andrew Alvares - AFP

"Au Venezuela, plusieurs opérateurs vont limiter l’usage du téléphone, de la TV et d’Internet à cause d’une accumulation des dettes de l’État de 700 millions de dollars."

Appeler à l'international ou regarder la télévision par câble est devenu plus compliqué au Venezuela. La cause? Les opérateurs, criblés de dettes et privés de devises, ne peuvent plus payer leurs fournisseurs étrangers, comme Telefonica.

A l'image des autres secteurs du pays, les entreprises de télécoms souffrent de la pénurie de dollars provoquée par l'effondrement des cours du pétrole, qui apporte 96% des devises du Venezuela. Ces monnaies étrangères sont contrôlées par l'État, qui les redistribue ensuite au compte-goutte aux sociétés privées.

Ainsi, en deux ans, l'État, qui doit fournir des dollars contre les bolivars versés par les entreprises, a accumulé une dette avec les opérateurs de près de 700 millions de dollars. Or ces sommes leur sont indispensables pour payer leurs fournisseurs étrangers, selon la Chambre des entreprises des services de télécommunications (Casetel).

Ainsi, le géant espagnol Telefonica, présent au Venezuela, va dès cette semaine suspendre "temporairement" les services de longue distance internationale (LDI) pour appeler aux État-Unis, en Espagne, au Mexique, en Italie, au Brésil, en Colombie et au Panama.

Dès le 9 avril, l'opérateur mobile Digitel a limité temporairement les appels à l'international et depuis l'étranger de ses clients vénézuéliens, devant l'"impossibilité" d'obtenir de nouveaux délais de paiement de la part de ses fournisseurs. Quant à l'entreprise publique de télévision par câble CanTV, elle a dit être en train de "revoir ses contrats avec les fournisseurs de contenus nationaux et internationaux", ce qui a un impact sur ses programmes.

"On m'a enlevé mes chaînes préférées"

Pour les Vénézuéliens, c'est un tracas de plus, qui s'ajoute aux pénuries au quotidien des produits de première nécessité, dans un contexte de grave crise économique, qui les oblige à faire la queue pendant des heures devant les supermarchés. "Cela fait deux semaines qu'on m'a enlevé six des chaînes que je regardais le plus", soupire Isael Gonzalez, 46 ans, client de CanTV.

Drisley Petaquero, 36 ans, raconte que son père, client de DirecTV, "a perdu plusieurs chaînes, dont celles de dessins animés, avant il en avait cinq et maintenant seulement deux". L'autorité de régulation vénézuélienne, la Commission nationale de télécommunications (Conatel), reconnaît volontiers la conjoncture délicate et l'attribue à la "réduction drastique des devises". Les rentrées pétrolières ont été divisées par trois entre 2014 et 2015, passant de 37,2 à 12,5 milliards de dollars, d'après le gouvernement. Face à cette situation, les entreprises réclament une hausse des tarifs.

Selon des sources du secteur, Movistar (Telefonica) a été autorisé en 2014 à augmenter ses prix de 35% alors que l'inflation était de 68%. En 2015, la hausse autorisée a été à nouveau de 35% face à une inflation de 181,2%, la plus élevée au monde.

Au Venezuela, un contrat qui regroupe télévision par câble, téléphone fixe et internet coûte 1.100 bolivars (environ 3,54 dollars au taux de change flottant et moins d'un dollar au marché noir).

Une réouverture de la fracture numérique?

Mais cette année, les opérateurs privés ont essuyé un refus de la part de l'autorité de régulation Conatel pour augmenter les prix. Les dettes des opérateurs et le manque à gagner dû aux tarifs peu élevés limitent les investissements dans le secteur - estimés à 1 milliard de dollars par an - et affectent la qualité des services et leur couverture.

Parallèlement, le pays fait face à une "explosion de la demande" des contrats de téléphonie mobile et internet qui est stimulée, entre autres, par les prix bas mais que le secteur n'est pas en mesure de satisfaire étant donné le manque d'investissements, selon la Casetel.

"On prévoit une saturation des réseaux des opérateurs", ce qui "affectera les services", a prévenu cet organisme représentatif du secteur dans un récent rapport. En raison de ces tarifs très accessibles, le Venezuela est un des pays d'Amérique latine qui consomme le plus de données mobiles, selon une étude de Telefonica.

Le pays compte sept millions d'abonnés au câble et au satellite (65% de taux de pénétration), 30 millions de contrats de téléphonie mobile (99,19%) et 16,4 millions d'abonnés en 2015 à internet (62% de taux de pénétration), selon la Conatel.

P.S. avec AFP