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Quand les Allemands dénoncent "la drogue de Draghi"

L'attitude trop conciliante de Merkel est critiquée au sein même de son parti.

L'attitude trop conciliante de Merkel est critiquée au sein même de son parti. - Daniel Roland - AFP

Le président de la Banque centrale européenne a annoncé, ce jeudi 22 janvier des mesures de soutien exceptionnelles qui provoquent l'ire de nombreux politiques et éditorialistes allemands.

"Merkel a abandonné la Bundesbank à son triste sort", s’indigne Klaus-Peter Willsch un député de la CDU, le parti dirigé par la chancelière allemande.

Un cri du coeur qui traduit bien l’état d’esprit d’une bonne partie des citoyens allemands quelques heures après le l'annonce par Mario Draghi du colossal rachat de dettes dans lequel a décidé de se lancer la BCE.

"Appauvrir les pauvres et enrichir les riches"

Les opposants à la coalition en place s’en donnent d’ailleurs à coeur joie. A commencer par les membres de l’AFD, le parti anti-euro. Pour l’eurodéputé Beatrix Von Storch le programme de rachat de dettes de Mario Draghi "va appauvrir les pauvres et enrichir les riches".

 En Bavière, le ministre des Finances met également la pression sur l’équipe au pouvoir, que son parti –la CSU (l'aile bavaroise de la CDU)- soutient pourtant : "Jens Weidmann (le patron de la Bundesbank) a besoin d’un soutien plus actif de Berlin", relève Markus Söder.

De son côté, le Handelsblatt est vent debout contre la "drogue de Draghi". Pour le premier quotidien économique et financier d’Allemagne, la BCE recourt à la pire des méthodes. Elle offre aux "junkies" (les pays endettés de la zone euro) de "la drogue gratuite afin qu’ils n’aient plus besoin de voler pour se l’offrir".

Un bouleversement majeur pour les Allemands

Le Handelsblatt s’inquiète notamment pour les épargnants allemands. Car même dans le cas, jugé par le quotidien comme le plus vraisemblable, à savoir que Draghi a visé juste et "tout se passe comme prévu", les ménages allemands vont faire face à un bouleversement majeur. 

Placer leur épargne dans la dette allemande n’aura de sens que pour ceux qui recherchent la sécurité absolue, dans la mesure où ils devront accepter des rendements négatifs de -0,4%. Ce qui restera tout de même mieux que les bons du Trésor américain que le Handelsblatt voit à -2%. A l’inverse, le marché des actions devrait, dans les pays industrialisé, leur offrir des rendements spectaculaires, avec des dividendes rapportant en moyenne 2,3% et une croissance moyenne des indices de 10%.

Des voix s’élèvent tout de même pour défendre Mario Draghi. L’éditorialiste du quotidien Die Zeit appelle ses concitoyens à cesser de se lamenter. "C’est vrai que l’Allemagne n’a pas besoin de cette nouvelle impulsion monétaire, écrit Mark Schieritz. Mais la BCE n’a pas pour charge d’âme que la seule Allemagne, mais tous les membres de la zone euro. Et leur tour est venu". Un appel à la solidarité que beaucoup ne sont pas prêts à entendre.

Pierre Kupferman