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Quand les économistes décortiquent la crise de la zone euro

En Espagne, les réformes faites en pleine crise ont détruit des centaines de milliers d'emplois.

En Espagne, les réformes faites en pleine crise ont détruit des centaines de milliers d'emplois. - LC_24 - CC

Des analystes du FMI, d'agences de notation et de plusieurs pays européens font part ces jours-ci de leur analyse a posteriori de la gestion de la crise intervenue en Europe il y a dix ans. Et ils reconnaissent des errements.

Du FMI à l'agence de notation S&P, en passant par des économistes libéraux: à l'approche du dixième anniversaire de la faillite de Lehman Brothers, les leçons de la crise commencent à être tirées en zone euro.

Il y a d'abord eu le Fonds monétaire international au début du mois: le chef de l'unité "réformes structurelles" de l'institution de Washington, Romain Duval, a clairement reconnu que la réforme du marché du travail en Espagne en 2012 n'avait pas été appliquée dans des conditions idéales, contrairement à celle menée actuellement par la France. 

Trop d'ajustements budgétaires en 2012

"C'est le bon moment pour les réformes structurelles, beaucoup plus que pendant la crise de la zone euro. Même si les réformes étaient alors nécessaires, l'idée que les bénéfices allaient être ressentis à court terme était clairement trop optimiste, notamment en Espagne", a-t-il reconnu. La réforme espagnole, engagée en pleine crise financière, avait entraîné la destruction de plusieurs centaines de milliers d'emplois. 

Cette semaine, ce sont 14 économistes français et allemands qui ont présenté des mesures pour réformer la zone euro, regrettant que les règles actuelles "manquent à la fois de flexibilité pendant les crises et de fermeté en phase de croissance".

"Nous considérons, en général, qu'il y a eu trop d'ajustements budgétaires en 2012 dans les pays de la zone. En revanche, il n'y en a pas eu assez pendant les années 2000", a affirmé Philippe Martin, professeur à Sciences Po, proche d'Emmanuel Macron et l'un des signataires.

Varoufakis et S&P tombent d'accord

Des économistes qui font l'inventaire de la crise pour proposer des réformes et qui n'ont pas forcément beaucoup d'atomes crochus avec leur collègue Yanis Varoufakis, l'ex-ministre des Finances grec qui ne cesse depuis des années de critiquer vertement la gestion de la crise par l'UE.

Très loin de ce positionnement, Jean-Michel Six, chef économiste pour l'Europe de l'agence de notation S&P Global, a pourtant récemment taclé l'austérité appliquée en 2012 en zone euro, à un moment où les États-Unis avaient déjà renoué avec la croissance après avoir encaissé le choc de la crise dite des "subprimes" en septembre 2008.

"Il ne s'agit pas de dire qu'il faut réduire la dépense publique. Cela mène tout simplement à la récession. C'est ce qui a été fait en 2012, dans l'ensemble de la zone euro", a-t-il affirmé. "À l'époque, nous avions publié un communiqué de presse qui disait très clairement que la conjonction de politiques fiscales prématurément restrictives devrait conduire à une nouvelle récession en zone euro. C'est exactement ce qui s'est passé", a-t-il regretté.

La France "du bon côté de l'histoire"

Pas si vite, lui a rétorqué le commissaire européen Pierre Moscovici. Lors de ses voeux à la presse à Paris, il a rappelé que les agences de notation avaient à l'époque "mis une certaine pression sur les États, sur les souverains, sur les banques. Dès lors que l'on fait une analyse, il faut la faire pour tous, pour soi et pour les autres".

"Incontestablement, à tel ou tel moment ou sur tel ou tel pays, il y a eu sans doute des ratés ou des décisions qui après-coup ont dû être rectifiées", a toutefois reconnu le commissaire, qui est allé plus loin lors d'une audition mercredi devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, en évoquant la crise grecque.

"La Commission et la France étaient du bon côté de l'histoire", en étant intervenues pour éviter un "Grexit", a-t-il assuré, dans un reproche implicite à l'Allemagne dont l'ex-ministre des Finances Wolfgang Schäuble avait évoqué à l'époque une sortie de la Grèce de la zone euro.

Des bonnes décisions pour réformer la zone euro

Le bilan de la crise "doit être fait sereinement, lucidement, pas de manière idéologique ou paranoïaque, à partir des faits, pour nous permettre maintenant, alors que nous sommes dans une phase plus sereine, avec un horizon plus dégagé, de prendre les bonnes décisions pour compléter l'union économique et monétaire comme elle le doit", a assuré Pierre Moscovici.

Le contexte semble favorable. Emmanuel Macron s'est d'ores et déjà posé en champion d'une réforme de la zone euro et les conservateurs d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates allemands viennent de conclure un accord gouvernemental prévoyant de travailler en "étroite collaboration avec la France" pour "renforcer durablement" l'union monétaire.

N.G. avec AFP