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Renault : Jean-Dominique Senard, l'Anti-Ghosn

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- - ludovic MARIN / AFP

Le patron sortant de Michelin devrait se voir confier la présidence de Renault et remplacer Carlos Ghosn, à l'issue du conseil d'administration convoqué ce jeudi.

Tourner la page Carlos Ghosn, et entamer une nouvelle ère. Tâche difficile pour Renault. Mais le groupe se devait de le faire rapidement, pour pérenniser sa gouvernance et s'attaquer à la réforme de celle de l'Alliance avec Nissan et Mitsubishi. Et face à l'improbabilité de voir Carlos Ghosn libéré avant son procès, le conseil devait absolument acter un nouvel organigramme définitif et efficace.

De source officieuse, le schéma est d'ores et déjà acté. Sans surprise, pour éviter à l'avenir la trop forte concentration des pouvoirs, les fonctions de président et de directeur général vont être scindées. Thierry Bolloré va garder les rênes opérationnelles, en conservant son poste de DG, après avoir été mis sur la rampe de lancement par Carlos Ghosn lui-même.

Pondération, discrétion, diplomatie

Mais Renault avait aussi besoin d'une figure tutélaire puissante et indiscutable pour incarner un « Nouveau Renault », et peser de tout son poids pour participer activement à la réforme de la gouvernance de l'Alliance. En cela, la très probable nomination de Jean-Dominique Senard a en soi un double avantage.

Déjà en termes d'image. Car le patron sortant de Michelin (son mandat arrive à échéance fin mai prochain) est sans doute l'exact opposé de Carlos Ghosn. Dirigeant pondéré, discret, diplomate... Jean-Dominique Senard ne ressemble en rien au dirigeant hyperactif et omnipotent qu'il va remplacer. Et c'est peut-être justement ce que recherche Renault. 

Consécration chez Michelin

Gestionnaire émérite, qui a opéré aux finances chez Total et Saint-Gobain, ancien PDG de Pechiney, qui a dû gérer un dossier difficile avec le rachat par l'américain Alcan, il concentre des qualités indiscutables de manager, avec une volonté de consensus, un profil international et un souci réel du capital humain de l'entreprise. Un profil complet qu'il a développé notamment avec son expérience chez Michelin. Entré chez le fabricant de pneus en 2005, comme directeur financier puis co-gérant, il devient le premier gérant du groupe en 2012 à ne pas faire partie de la famille actionnaire.

Réflexion sur le rôle de l'entreprise dans la société

Sous sa présidence, Michelin aura accentué son profil international, accru sa présence dans les activités numériques et services, augmenté sa profitabilité (la marge opérationnelle est passée de 9 à quasiment 14%), et même terminé l'année 2017 sur un niveau de bénéfice record (1,7 milliard d'euros). Il a en outre décidé de la présence d'un représentant syndical au conseil d'administration.

Au-delà de ses qualités de manager, et c'est un trait commun lié à l'histoire de Michelin, Jean-Dominique Senard fait aussi partie de ces dirigeants d'entreprises soucieux de leur rôle au sein de la société. Il est en particulier, avec Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT, co-auteur d'un rapport très remarqué sur l'Entreprise et l'Intérêt Général en mars dernier, d'où ressort d'ailleurs la nécessité pour les entreprises de définir leur raison d'être, réflexion que compte reprendre le Medef pour l'intégrer à ses propres statuts.

Un dirigeant pondéré, manager indiscutable et conscient des aspect sociaux, Renault dispose sans doute du meilleur profil pour tourner la page Carlos Ghosn. Jean-Dominique Senard semble être une figure suffisamment différente et pertinente pour consolider l'édifice Renault et lui donner un nouveau souffle. Et avec Thierry Bolloré (lui-même ancien dirigeant de Michelin, tout comme Carlos Ghosn), « L'Esprit Clermontois » semble s'être durablement installé au sommet du pouvoir chez Renault.