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Renault-Nissan-Mitsubishi : pourquoi un divorce est inconcevable

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- - ERIC PIERMONT / AFP

Efficace, source d'économies et créatrice de valeur, l'alliance industrielle Renault-Nissan-Mitsubishi-Avtovaz est appelée à rester en l'état malgré la crise de gouvernance actuelle.

Même si son grand architecte est désormais aux arrêts, la machinerie Renault-Nissan-Mitsubishi-Avtovaz marche toujours bien au quotidien. Renault l'a assuré dans un communiqué : « Nous veillons à l'efficience des coopérations dans le cadre de l'alliance », et le patron de Nissan, Hiroto Saikawa, l'a dit lors de sa conférence de presse de début de semaine : « Le fonctionnement de notre alliance avec Renault reste la priorité stratégique au quotidien ».

Que ce soit du côté des instances dirigeantes ou de la classe politique au Japon et en France, toutes les parties en présence semblent d'accord : l'alliance crée de la valeur, des synergies, des économies, et a désormais des organes de fonctionnement trop bien imbriqués pour que personne n'ait intérêt à la dénouer. Carlos Ghosn lui-même, par le passé, l'avait qualifiée d' « irréversible ».

Vers un renforcement des synergies

C'est avant tout le développement en commun de moteurs, de plates-formes et de solutions techniques qui rend possible ce niveau d'économies, une stratégie qui a fait école chez bien d'autres constructeurs organisés eux aussi en alliances, que ce soit chez PSA ou Fiat-Chrysler par exemple. La mise en concurrence totale des fournisseurs pour obtenir les meilleurs prix du marché, technique que Carlos Ghosn a imposée chez Nissan avec profit, participe elle aussi de ce succès.

Le montant des synergies de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi-Avtovaz est évalué à 5,7 milliards d'euros sur l'année dernière, et Carlos Ghosn avait impulsé un net renforcement, prévoyant 10 milliards en 2022. Grâce à la mise en place d'une stratégie de plates-formes communes, et du renforcement des coopérations avec Mitsubishi récemment intégré, l'alliance a comme objectif de faire baisser encore de 40% ses coûts d'ingénierie et de 30% ses coûts d'achats.

Investissements futurs facilités

D'autant que c'est 70% des véhicules produits par l'alliance qui doivent à terme être produits grâce à ce nouveau plan de travail. De quoi créer encore plus de marge sur les véhicules produits, et de trésorerie de nature à alimenter les projets de recherche et de développement pour la voiture du futur, projets naturellement gourmands en capitaux.

C'est de ce côté-là que d'importantes synergies sont également prévues : jusqu'à présent la Renault Zoé et la Nissan Leaf, les 2 best-sellers du marché des voitures électrique en France et en Europe, ont connu des développements séparés. Renault-Nissan travaille actuellement à la génération suivante, qui adoptera la même plate-forme et des solutions techniques communes, créant donc plus de valeur sur un produit leader sur son marché.

Un coup d'avance

Renault, qui a annoncé aussi, pendant le dernier Mondial de l'Automobile, le lancement de plusieurs modèles hybrides, peut compter à ce sujet sur les technologies d'hybridation en place chez Infiniti (marque de luxe de Nissan) et sur celle de l'hybride rechargeable qu'a développée Mitsubishi (PHEV).

Et au vu des investissements record chez les autres constructeurs, des dizaines de milliards d'euros de projets annoncés partout par les grands industriels de l'automobile, dans l'électrification des gammes et l'autonomie, l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi-Avtovaz est non seulement parfaitement dans la tendance, mais elle possède même un coup d'avance pour pouvoir faire encore mieux.

Un divorce au coût incalculable

De quoi écarter le scénario d'un démantèlement de l'alliance, techniquement très compliqué et coûteux à envisager, qui nécessiterait des aménagements techniques aux conséquences incalculables pendant des années. De plus, il se traduirait à terme par une inflation imparable des coûts de production qui détruirait automatiquement de la valeur. Avant même de réfléchir à des conséquences sociales très sérieuses.

C'est pourquoi pouvoirs publics et industriels n'ont strictement aucun intérêt à démanteler une alliance qui a engendré une machinerie si efficace et créatrice de valeur. Même si le défi de la réforme de la gouvernance s'annonce éminemment plus complexe à gérer.