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Royaume-Uni: les promesses économiques de Cameron, Miliband et leurs possibles alliés

De gauche à droite: David Cameron, Nick Clegg et Ed Miliband

De gauche à droite: David Cameron, Nick Clegg et Ed Miliband - John Stillwell - AFP

Alors que les électeurs britanniques sont appelés aux urnes ce jeudi 7 mai, aucun parti ne devrait obtenir une majorité suffisante au Parlement. Leurs programmes économiques sont très différents. Trop pour envisager des coalitions entre certains d'entre eux ?

Le constat de la BBC est lapidaire. Les élections législatives britanniques qui ont lieu ce jeudi 7 mai sont “les plus imprévisibles que le pays ait jamais connu”. Malgré un bilan économique plutôt flatteur, avec une croissance revigorée (+2,6% l’an dernier) et un chômage qui a dégringolé, David Cameron est loin d’être assuré de rester à Downing Street au vu des sondages. 

Et le cas échéant, difficile de savoir avec qui il s’allierait. Une chose est néanmoins sure: aucun parti n’aura à lui seul la majorité suffisante au Parlement, rendant ainsi nécessaire la formation d’une nouvelle coalition. De quoi obliger les différentes forces politiques à trouver des points d’entente sur les sujets économiques au coeur de la campagne.

> La fiscalité

C’est l’un des sujets sur lesquels les divergences entre les partis en lice sont les plus visibles. Le Labour (ou Travaillistes) d’Ed Miliband veut un système fiscal “plus juste”. Il compte notamment alourdir la fiscalité des contribuables britanniques gagnant plus de 150.000 livres sterling (202.000 euros) par an, en faisant passer la plus haute tranche de l’impôt sur le revenu de 45 à 50%. Il envisage également de mettre fin au statut fiscal des étrangers vivant au Royaume-Uni, les "non doms" qui ne payent des impôts que sur l’argent gagné ou rapatrié outre-Manche.

Du côté des conservateurs (ou “Tories”) de David Cameron, il n’est pas question d’augmenter les impôts. Au contraire, l’actuel chef du gouvernement britannique prévoit de relever à 12.500 euros (contre 10.600 actuellement) l’abattement permettant d'échapper à l’impôt sur le revenu, d’ici à 2020. De même, David Cameron a promis de revoir à la hausse le seuil d'entrée dans la tranche à 40% de l’impôt sur le revenu à 50.000 livres (67.000 euros), contre 42.385 actuellement.

Les Lib-dem (libéraux), actuellement alliés à David Cameron, sont un peu à mi-chemin. Comme les conservateurs, ils souhaitent relever l’abattement fiscal de l’impôt sur le revenu à 12.500 livres mais dans le même temps, ils comptent dégager 5 milliards de livres via des hausses d’impôts, avec notamment l’introduction d’une taxe sur les résidences valant plus de 2 millions de livres. Cette dernière mesure figure d'ailleurs également dans le programme du Labour.

Quant à l’Ukip, dont le principal mot d’ordre est la sortie de l’Union européenne, il projette une réforme fiscale encore plus généreuse que celle des Tories (abolition de la taxe sur les successions, abattement à 13.000 livres, TVA à 0% sur "certains biens et services"...).

> L’immigration

Sur les grandes lignes, ils sont tous d'accord: il faut réguler l'arrivée de nouveaux immigrés. David Cameron compte rendre plus difficile l'accès à l’emploi pour les migrants et introduire un nouveau test de citoyenneté avec des questions “sur les valeurs britanniques”. Le but étant d’accueillir seulement “ceux qui veulent travailler dur et contribuer à notre société”. Les Tories veulent ainsi limiter l'immigration à quelques dizaines de milliers "et non à des centaines de milliers". Il faut dire que l'an dernier, le solde migratoire a atteint un niveau très élevé puisque le pays compte 300.000 étrangers de plus qu'en 2013.

Même discours chez Ed Miliband qui “sans vouloir couper la Grande-Bretagne du reste du monde” veut réduire “les arrivées de migrants faiblement qualifiés", en les empêchant de demander des aides sociales pendant deux ans. Le Labour souhaite également interdire aux agences de recrutement de n'embaucher que des travailleurs étrangers. Les Lib-dem, eux, veulent surtout s’assurer que toutes les personnes travaillant dans le pays parlent anglais.

Le ton est encore plus offensif du côté de l’Ukip qui veut installer un moratoire de cinq ans sur l’immigration faiblement qualifiée. Il compte également empêcher les mariages blancs en demandant au conjoint de démontrer que leur but premier n’est pas d’obtenir la citoyenneté britannique. L’UKIP reconnaît néanmoins les bienfaits d’une immigration contrôlée, notamment chez les infirmières. Les migrants devront toutefois disposer de leur propre système d’assurance-santé, trouver un logement avant d’arriver, et parler anglais.

> La baisse du déficit

Là aussi il y a unanimité de la part de tous les principaux partis politiques. Seules les ambitions diffèrent. Les conservateurs veulent atteindre un excédent budgétaire dès 2018-2019 en réduisant la dépense publique de 1% par an.

Si les travaillistes ont fait de la réduction du déficit l’un de leurs thèmes de campagne principaux, ils sont toutefois plus prudents. Comme le relève The Economist, Ed Miliband promet d’équilibrer seulement le déficit courant, qui exclut notamment les dépenses d’investissement. Par ailleurs aucun objectif en termes de dates n’est fixé, le Labour promettant d’y arriver “le plus tôt possible”.

Les Lib-Dem se posent encore une fois en tant que solution intermédiaire, affirmant vouloir “emprunter 70 milliards de livres de moins que le labour avec, dans le même temps, 50 milliards de livres de coupes en moins que les Conservateurs”. Ils ambitionnent d’arriver un déficit structurel (hors aléa de la conjoncture) à 0 d’ici 2017-2018.

L’Ukip, lui, reste assez flou mais son leader Nigel Farage a affirmé être prêt à soutenir les plans de David Cameron sur ce sujet.

Reste que chaque parti se montre assez évasif sur les moyens exacts d’arriver à leurs ambitions. “Tous nous ont dit ce qu’ils veulent augmenter mais aucun d’entre eux ne nous a donné beaucoup de détails sur ce qu’ils comptent diminuer”, affirme ainsi Paul Johnson le directeur de l’Institute for Fiscal Studies( un institut de recherche qui s’est penché sur les différents programmes économiques des différents), cité par le média allemand dw.de

> La politique sociale

David Cameron ne cache pas sa volonté de limiter les prestations sociales et prévoit d’ailleurs de réduire le plafond des allocations perçues par un ménage à 23.000 livres, contre 26.000 actuellement. Il entend aussi investir 8 milliards de livres dans le système de santé publique, le NHS (pour "National Health System").

Si Ed Miliband promet du sérieux dans ce type de dépenses, l’IFS note que les économies proposées par le Labour sont “mineures”. De plus le Labour compte investir 2,5 milliards de livres “de plus” que les conservateurs dans le NHS. Il promet également un geste aux familles en allongeant le nombre d’heures gratuites ( de 15 à 25 heures) de prises en charge des enfants de trois et quatre ans. Il compte enfin relever le salaire minimum à 8 livres (10,70 euros) de l’heure d’ici à octobre 2019 (contre 6,70 livres actuellement).

Pour ce qui est de plus petits partis, l’Ukip veut globalement réduire l’ensemble des aides publiques aux ménages, à commencer par les allocations familiales. Les Lib-dems comptent, eux, renforcer le NHS et “augmenter le salaire minimum sans pénaliser la création d’emploi”.

> L' Union européenne

C'est évidemment l'un des grands enjeux de ces élections: l'appartenance à l'Union européenne. Si le Labour promet, par exemple, de pousser en faveur d'une réforme de la PAC, à aucun moment il n'envisage de quitter l'UE. La position des Lib-dems, souvent perçus comme le parti le plus europhile du pays, est sensiblement la même. Si pour eux "l'Europe n'est pas parfaite", dixit le programme du parti, il est hors de question de sortir d'une union qui est économiquement bénéfique au pays.

David Cameron, lui , a pris un gros risque en promettant d'organiser en 2013 un référendum en 2018 sur le maintien de son pays dans l'Union européenne. Une initiative qui avait alors pour but de couper l'herbe sous le pied de l'Ukip, qui plaide depuis sa création pour la sortie de l'UE.