BFM Business
Economie et Social

Sur sa route vers un Brexit dur, Boris Johnson va trouver le ministre des Finances sortant

-

- - -

Il brûle ses vaisseaux face au probable prochain Premier ministre conservateur. A la tête des Finances depuis que les Britanniques ont décidé de quitter l'Union européenne (UE), Philip Hammond entend bien empêcher Boris Johnson de partir sans un accord avec les 27.

Mercredi, il ne sera plus le ministre des Finances du Royaume-Uni. Mais le chancelier de l'Echiquier Philip Hammond ne s'est pas contenté d'annoncer une démission, qui de toute façon semblait inéluctable avec une accession au pouvoir de l'ancien chef de la diplomatie Boris Johnson. Jusqu'au dernier instant, il multiplie les mises en garde les plus sévères à son encontre et se présente, pratiquement, comme celui qui interdira au successeur de Theresa May de porter un tort irrémédiable au pays en le précipitant dans une séparation sans un compromis préalable avec l'UE. 

Samedi, Philip Hammond, dans un entretien conjoint au "Monde" et au "Süddeutsche Zeitung", a assuré qu'il fera tout ce qui est en sa capacité, une fois redevenu député, pour que "le Parlement bloque un Brexit sans accord". Le chancelier de l'Echiquier s'en prend à une partie de ses concitoyens "délibérément bruyants, vulgaires et irréfléchis". "Certains", ajoute-t-il, "tentent de fatiguer les Européens au point qu'ils nous demandent de partir". Impossible de ne pas saisir qui est visé.

Pas un rebelle

Pourtant, le ministre des Finances de Theresa May n'a jamais affiché le profil d'un rebelle politique. A moins qu'au sein du parti conservateur britannique, prôner mesure et pondération dans la sortie de l'UE ne soit devenu. en soi, acte de rébellion. Philip Hammond occupe les fonctions ministérielles les plus importantes depuis le premier cabinet de David Cameron.

Lorsqu'en 2011, il prend le portefeuille de la Défense, sa maîtrise des questions internationales et européennes se révèle au départ plutôt approximative. Son passage ensuite aux Affaires étrangères n'a pas tout à fait dissipé l'impression initiale. C'est à la faveur du vote du Brexit, dont il ne voulait pas, que Philip Hammond semble se révéler. Theresa May lui offre alors les Finances et plus l'échéance approche, plus se forge son statut de garant de la stabilité.

Une fois de retour à la Chambre des Communes, mercredi, il entend fédérer un courant conservateur centriste encore résolu à rendre infaisable une rupture sèche le 31 octobre, au nom du rang de son pays et de la protection de son économie. Son évaluation des dégâts d'un "no deal" avec les 27 : quelque 100 milliards d'euros. Cela reviendrait, d'après cette projection, à priver l'Etat de toute nouvelle marge d'action. Dans le dernier document d'orientation budgétaire de son ministère, récemment présenté au Parlement, il est quoi qu'il advienne établi que "l'impact du Brexit [sur les finances publiques], une fois opéré, se poursuivra pendant de nombreuses années au-delà de la fin de l'horizon du test de résistance", à 2023-2024.

Parlement contre gouvernement 

Dans sa tâche décisive face à Boris Johnson et aux siens, Philip Hammond devrait pouvoir compter sur son actuel collègue à la Justice David Gauke, également démissionnaire par anticipation, et sur Alan Duncan, jusqu'ici chargé des Affaires européennes, qui ne dissimulent pas leur peu de considération pour les compétences diplomatiques du probable prochain chef du gouvernement. Allant dans un sens identique, Philip Hammond s'est déclaré, sur la BBC, "convaincu que le Parlement dispose d'un moyen d'empêcher une sortie le 31 octobre sans son consentement".

Le concours de certains eurosceptiques de premier plan devient même possible, comme celui de l'actuel ministre du Commerce extérieur, Liam Fox, qui considère comme "illégal" le projet de Boris Johnson d'aller négocier un accord commercial avec les États-Unis avant même l'entrée en vigueur du Brexit.

Le chancelier de l'Echiquier sortant ne menace pas encore d'unir sa voix à celle de l'opposition travailliste et libéral-démocrate si elle tentait de faire tomber un gouvernement Johnson refusant d'entendre raison. Mais le conservateur centriste nouvellement rebelle n'écarte plus l'hypothèse.