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Taxe GAFA: tensions entre Paris et Washington

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- - LIONEL BONAVENTURE / AFP

Explications tendues entre Mike Pompeo le secrétaire d'Etat américain et son holomologue français

Bruno Le Maire y voit une étape vers une « fiscalité du XXIe siècle, plus juste et plus efficace ». Lassée d'attendre un dispositif à l'échelle européenne, la France a pris les choses en main et pourrait bien devenir pionnière en imposant sa propre taxe.

La taxe Gafa à la française s'inspire du projet européen qui n'a finalement pas abouti en raison des réticences de plusieurs pays, en l'occurrence l'Irlande, la Suède, le Danemark et la Finlande. D'autres pays en revanche ont des projets similaires de taxe nationale, notamment le Royaume Uni, l'Italie ou encore l'Espagne. Bruno Le Maire souhaite que cette taxe puisse servir de « levier » dans les négociations internationales. Il espère un accord d'ici 2020 au sein de l'OCDE et assure que dès que celui-ci sera obtenu, la France retirera « naturellement sa taxe nationale ».

Insuffisant pour apaiser Washington qui juge cette taxe « extrêmement discriminatoire à l'égard des multinationales basées aux États-Unis ». Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a une nouvelle fois exhorté Paris à renoncer à ce projet après une réunion avec son homologue français Jean-Yves Le Drian jeudi dernier à Washington. Selon Mike Pompeo, cette taxe « aurait un impact négatif sur les géants américains de la technologie et sur les citoyens français qui utilisent leurs services ».

Bruno Le Maire a rapidement répliqué, assurant que la France était « décidée », et rappelant surtout que chaque pays peut choisir librement sa politique fiscale. Le ton est donné. Pour le ministre de l'Economie, pas question de reculer: « Nous sommes décidés à mettre en oeuvre une taxe sur les plus grandes entreprises du numérique pour apporter plus de justice et plus d'efficacité au système fiscal international » a-t-il assuré.

Les Etats-Unis menacent de saisir l'OMC

Ce n'est pas la première fois que les Etats-Unis manifestent leur mécontentement. Le mois dernier, le Trésor américain avait annoncé que les Etats-Unis envisageaient de saisir l'Organisation mondiale du commerce sur les taxes que la France et d'autres pays européens envisagent de créer.

L'instauration de cette taxe sur le numérique avait été annoncée par Emmanuel Macron en décembre dernier. Elle doit contribuer à financer les 10 milliards d'euros de mesures d'urgence économiques et sociales.

Concrètement, la taxe doit concerner les entreprises qui font un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d'euros dans le monde et de plus de 25 millions d'euros en France. L'idée est de les imposer à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé en France sur les publicités en ligne, la vente à des tiers des données personnelles et l' « intermédiation », c'est à dire la mise en relation, par des plateformes, entre entreprises et clients.

Pour le ministre de l'Economie, le constat est tout aussi clair qu'injuste: « L'évaluation de la Commission européenne est sans appel: en moyenne, les grandes entreprises du numérique paient 14 points d'impôt de moins que les autres entreprises » en Europe. 9% contre 23%.

Cette taxe devrait donc s'appliquer à une trentaine de groupes comme Meetic, Amazon, Airbnb, Instagram ou encore la française Criteo. Elle devrait rapporter 400 millions d'euros en 2019, puis 650 millions en 2020-2022.

Côté politique, les réactions sont mitigées. Si le PS soutient un projet de loi qui va « dans la bonne direction », les Insoumis jugent la taxe « trop peu ambitieuse » et les communistes critiquent aussi son assiette « pas très large ». LR a pour sa part raillé un texte d' « affichage politique qui vise à masquer un échec européen », pointant notamment son rendement limité.

Les députés avaient donné mercredi dernier leur feu vert en commission au projet de loi, après quelques retouches. Le texte sera examiné à partir de lundi dans l'hémicycle. Un examen prévu jusqu'au 10 avril.

Sandrine Serais