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Tensions chinoises autour de métaux stratégiques

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- - ED JONES / AFP

La Chine serait en train de restreindre, chez elle, l’extraction d’un métal stratégique, indispensable à l’échelle mondiale. Démenti circonstancié de Pékin.

Une fois encore, on en revient à cette prophétie attribuée à Deng Xiaoping en 1992 : « Le Moyen-Orient a du pétrole, la Chine a des terres rares ». Les terres rares désignent un groupe de 17 métaux aux propriétés exceptionnelles utilisées dans la fabrication de haute technologie, des puces de smartphone aux batteries de véhicules électriques. La Chine en assure actuellement l’essentiel de la production mondiale, quelque 90 % d’après l’Institut géologique américain.

Or, jeudi dernier, un rapport du bureau d’études néerlandais Adamas Intelligence, relayée par l’agence Reuters, a estimé que Pékin a décidé de plafonner les extractions au 2nd semestre à 45 000 tonnes. Ce niveau en retrait de 10 points attesterait d’une volonté de l’Etat d’exercer une forte pression sur le marché.

Le ministère chinois de l’Industrie et des technologies de l’information aura attendu plusieurs jours avant de réagir, pour répliquer qu’il y a eu mauvaise analyse des données : certes, ces 45 000 tonnes entre juillet et décembre ne représenteraient que 40% de la production annuelle, mais il se trouve que 60% de l’objectif a été réalisé au cours du 1er semestre. Le régulateur public explique aussi que le quotas pour 2018 ont même été relevés de 15 000 tonnes sur l’ensemble de l’année.

Ainsi, le Global Times, quotidien à vocation internationale du parti communiste, assure que « la Chine ne cherchera pas à contrôler le marché mondial des terres rares en restreignant l’offre ». Un chercheur de l’Académie du commerce international et de la coopération économique garantit que son pays entend demeurer un « fournisseur fiable ». Cependant, il ajoute que cela n’empêche pas d’effectuer des « ajustements mineurs » .

Un « ordre de marché » 

Cet expert d’un établissement rattaché au ministère du Commerce fait valoir qu’il s’agit d’œuvrer à un développement durable de cette industrie. Argument auquel a également recours l’un de ses collègues : nous ajustons la production en fonction des « besoins du marché et de la durabilité environnementale ».

On peut en déduire qu’une limitation des extractions paraît désormais envisageable. Mais l’un de ces spécialistes juge que l’écho accordé aux assertions d’Adamas Intelligence reflète le deux poids deux mesures dès lors qu’il s’agit d’intentions attribuées à la Chine… Façon de souligner qu’il n’est fait crédit qu’aux Occidentaux lorsqu’ils prétendent veiller à l’écologie et au libre marché.

Le régulateur à Pékin déclare, pour sa part, que la Chine entend bâtir, « avec la communauté internationale », un « ordre de marché » sur les terres rares qui soit « juste et rationnel ». Un propos forcément adressé aux Etats-Unis, signifiant que « nous ne comptons pas user de cet avantage stratégique dans notre conflit commercial ». Un professeur de l’université américaine Northeastern a sa lecture de ce dossier très protégé : chacun veille à ne pas effrayer l’autre car, là, « c’est difficile de blesser l’autre sans se blesser soi-même ».