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Tesla peut-il survivre sans Elon Musk?

Même si les analystes estiment que Tesla n'est pas menacé par un éventuel départ de son charismatique patron, les défis industriels qui attendent le constructeur ces prochaines années s'annoncent très complexes.

Même si les analystes estiment que Tesla n'est pas menacé par un éventuel départ de son charismatique patron, les défis industriels qui attendent le constructeur ces prochaines années s'annoncent très complexes. - SUSANA BATES / AFP

Chute de 13,9% en une journée à Wall Street, le titre Tesla en baisse de 43% depuis le 7 août dernier, les investisseurs expriment des doutes sur l'avenir de Tesla, avec ou sans Elon Musk

Fraude, mauvaise information des investisseurs... les faits reprochés à Elon Musk après ses tweets concernant un éventuel retrait de la cote de Tesla sont suffisamment graves pour inquiéter l'ensemble de la communauté financière sur l'avenir même du constructeur, en témoigne la très forte baisse du titre coté au Nasdaq.

La SEC, le gendarme américain de la Bourse, ne peut engager de poursuites pénales. Ce sera à la justice américaine d'en décider. Mais l'autorité de marché peut obtenir l'interdiction pour Elon Musk de diriger une entreprise cotée. Ce qui est le cas de Tesla. L'hypothèse est évoquée depuis quelques mois, face au comportement parfois fantasque du personnage et à ses déclarations répétées sur son état de fatigue.

Un outil industriel irréprochable

Pour autant, sa mise en retrait est désormais plus que probable. Et une entreprise aussi révolutionnaire que Tesla, qui arrive en plus à un point-charnière de son histoire, peut-elle survivre à un tel choc?

«Industriellement, il n'y a aucune inquiétude à avoir», dit Eric Saint-Frison de CGI Finance et ancien patron de Ford France. «L'usine de Fremont est un site remarquable et tout à fait fonctionnel. Les managers sont compétents, les derniers recrutements en la matière sont un signe industriel fort, et malgré quelques process à améliorer, l'ensemble de la chaîne de production est solide chez Tesla», ajoute-t'il.

Le modèle économique en question

Le passage de la gamme de niche à la production de masse, qui tourne autour de la Model 3, prend sensiblement plus de temps que prévu. Mais personne chez les observateurs de l'industrie automobile ne doute des capacités de Tesla à relever le défi, d'un strict point de vue industriel.

C'est sur le plan du modèle économique qu'il subsiste de lourdes interrogations. « Le souci de Tesla, c'est que c'est une compagnie qui ne s'arrête pas de consommer du cash sans rien rapporter » estime Emeric Préaubert, de Sycamore Asset Management. « Elon Musk faisait cadeau aux utilisateur de Tesla de la recharge électrique, des mises a jour logiciel, etc... Le groupe aurait tout intérêt à revenir dessus et à réfléchir à des solutions vraiment rémunératrices ».

Confiance des financiers brisée

Du coup le monde financier, qui apporte la liquidité à Tesla, devient de plus en plus méfiant vis-à-vis d'un Elon Musk qui fut jadis adulé et qui est désormais l'objet de la plus grande défiance. « Elon Musk est capable de noyer les mauvaises nouvelles au milieu d'un show permanent », dit Eric Saint-Frison « Il y a quelques mois, il avertissait que la cadence de production de la Model 3 était loin des objectifs... Tout en lançant la version 2 du Roadster et en vous vendant des records du monde d'accélération ! Il est imbattable à ce niveau-là, et les investisseurs remettaient au pot... », admet-il.

Mais Elon Musk, qui à lui seul incarne Tesla, est devenu sa principale faiblesse. « Quelque chose est brisé en termes de confiance des investisseurs financiers. Notamment avec cette affaire de tweets », dit Emeric Préaubert. « Il est sans doute temps qu'il prenne un peu de champ », conclut-il.

Evolution rapide nécessaire

L'avenir industriel de Tesla n'est donc pas menacé en tant que tel, si l'hypothèse d'un départ d'Elon Musk se précise. Le groupe va devoir évoluer et rapidement, sans doute solidifier son management, peut-être même recruter chez les grands constructeurs ou d'autres grandes multinationales pour rassurer les investisseurs et accélérer sur l'amélioration de ses process industriels. Et ensuite, consolider son modèle économique de manière a s'assurer un flot régulier de cash. 

Le cas échéant, la crise de confiance risque de s'aggraver et la situation financière va devenir de plus en plus compliquée. Le scénario d'une faillite était évoqué ces derniers mois, sans être pris véritablement au sérieux par les spécialistes de marché. Mais ces derniers s'imaginent aussi très bien les grands noms de l'automobile mondiale et même du secteur de l'énergie se partager les morceaux d'un Tesla à l'agonie... Car les brevets du groupe constituent un actif de poids.

Antoine Larigaudrie