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Theresa May veut renégocier l'accord de Brexit, mais pas l'UE

La Première ministre britannique Theresa May.

La Première ministre britannique Theresa May. - Daniel Leal-Olivas - AFP

A seulement deux mois du Brexit, la Première ministre Theresa May a obtenu mardi des députés britanniques un mandat pour rouvrir les négociations avec Bruxelles, mais l'Union européenne a immédiatement refusé, un dialogue de sourds à l'issue incertaine.

C'est un revirement de taille pour la dirigeante conservatrice, qui proclamait il y a encore quelques semaines que son "Traité de retrait" de l'UE, âprement négocié pendant des mois avec Bruxelles mais rejeté il y a deux semaines par les députés britanniques, était le "meilleur" et "le seul possible". "Mes collègues et moi-même parlerons à l'UE de la manière dont nous pouvons répondre à ce que souhaite la Chambre" des Communes et chercherons à obtenir "des changements juridiquement contraignants", a-t-elle déclaré devant les députés, reconnaissant que "ce ne serait pas facile", étant donné "l'appétit limité au sein de l'UE pour un tel changement".
Ce traité conclu en novembre "n'est pas renégociable", a d'ailleurs immédiatement répliqué à un porte-parole du président du Conseil européen Donald Tusk. Peu auparavant, le président français Emmanuel Macron, en déplacement à Chypre, avait également adressé une fin de non-recevoir, affirmant que l'accord était le "meilleur accord possible et n'était pas renégociable". Il a appelé le gouvernement britannique à "rapidement présenter" au négociateur en chef de l'UE Michel Barnier "les prochaines étapes qui permettront d'éviter une sortie sans accord que personne ne souhaite mais à laquelle nous devons tous malgré tout nous préparer". Cet accord de divorce, censé organiser un Brexit ordonné, avait été massivement rejeté le 15 janvier par les députés britanniques et la Première ministre s'efforce depuis de remettre le processus sur les rails afin d'éviter une sortie sans accord, un scénario redouté par les milieux économiques.
Si elle veut renégocier ce texte, Theresa May devra aussi tenir compte d'une série d'amendements non contraignants votés mardi soir par les députés britanniques. L'un d'eux exclut ainsi une sortie de l'Union européenne sans accord. L'autre, soutenu par l'exécutif, demande à modifier le traité de retrait, en particulier une disposition controversée, le "filet de sécurité" ("backstop" ), visant à éviter le retour à une frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande.

Pas question de repousser la date du Brexit

Les députés ont revanche rejeté un amendement de la députée travailliste (opposition) Yvette Cooper, qui aurait pu avoir pour conséquence de repousser la date du Brexit, prévu pour le 29 mars. Ce rejet a provoqué la chute de la livre, signe de l'inquiétude du secteur économique. "Etendre l'article 50 n'empêcherait pas une sortie sans accord", avait balayé Mme May pendant les débats, qui ont donné lieu à des échanges passionnés entre députés de tous bords.
La Première ministre s'est engagée à faire voter un accord remanié "dès que possible". Si aucun accord n'est conclu avec l'UE d'ici le 13 février, elle a annoncé son intention d'organiser un vote le 14 février sur un départ sans accord. Pour Anand Menon, chercheur au King's College de Londres, "la Première ministre va se servir de tout ça pour prouver aux députés, à part les plus récalcitrants, que le backstop ne peut pas être renégocié et qu'ils vont donc devoir affronter la réalité du Brexit : soit voter pour l'accord, soit pour un nouveau référendum, ou bien une sortie sans accord". Le chef de l'opposition Jeremy Corbyn s'est cette fois dit prêt à rencontrer Theresa May pour trouver une "solution raisonnable", qui garantisse les "droits des travailleurs".
L'idée de rouvrir ces négociations suscitait des réactions contrastées dans les rangs de manifestants partisans et adversaires du Brexit rassemblés devant le Parlement de Westminster. "Il faut les rouvrir car le backstop est inacceptable", a déclaré à l'AFP Philip Aiston, un Brexiter de 66 ans. Nick Jackson, un europhile de 48 ans, dénonçait de son côté la vacuité de l'entreprise : les dirigeants de l'UE "ont déjà dit non (à de nouvelles négociations). Ils ont dit non plusieurs fois. Je ne sais pas pourquoi elle ne comprend pas".