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Les trois défis du nouveau patron de l'Eurogroupe

Jeroen Dijsselbloem est réputé pour être un stratège.

Jeroen Dijsselbloem est réputé pour être un stratège. - -

Jeroen Dijsselbloem doit être désigné, ce lundi 21 janvier, comme nouveau chef de file des ministres des Finances de la zone euro. Ce néerlandais peu connu du grand public va devoir démontrer que ce costume n'est pas trop large pour lui.

Il est le nouveau grand argentier en chef de la zone euro. Sauf surprise de dernière minute, le ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem, sera désigné ce lundi 21 janvier comme nouveau chef de file de l’Eurogroupe, qui réunit les ministres des Finances de la zone euro. Un poste qui va lui demander de convaincre ses collègues les plus sceptiques, pour mener à bien sa mission de chef d’orchestre. Voici les trois grands défis qui l’attendent.

> Convaincre de sa légitimité

Jeroen Dijsselbloem a beau avoir bénéficié du soutien de Berlin dans sa candidature, il ne fait pas encore l’unanimité. En cause notamment sa faible expérience dans les grands dossiers économiques. Il n’a, en effet, été nommé ministre des Finances aux Pays-Bas que depuis trois mois. Et il est d’avantage un spécialiste de l’Education et des questions agricoles (il a travaillé au ministère de l’Agriculture et élève lui-même des cochons) que des grands dossiers financiers.

"Dijsselbloem est une page blanche, et qu'il devienne ministre des Finances était une surprise parce qu'il n'a jamais eu un profil lié aux finances en tant que politicien", a ainsi déclaré Bas Jacobs, économiste à l'université de Rotterdam, à l’AFP.

Il devra donc s’efforcer de calmer les plus critiques concernant son manque d’expérience. Pour y parvenir, il a plusieurs atouts. D'abord, il dispose dans son pays d’une réputation de diplomate qui lui sera nécessaire pour défendre un consensus au sein de ses partenaires. Le quotidien économique néerlandais Financieel Dagblad le décrit ainsi comme "un stratège époustouflant".

Ensuite, il correspond au compromis idéal. Bien qu’appartenant au parti travailliste, il a adopté la ligne de la discipline budgétaire stricte, ce qui lui permet d’être en phase avec les pays du Nord de la zone euro. Parmi eux l’Allemagne, l’Autriche mais aussi la Finlande, dont la voix s’élève de plus en plus au sein de l’union monétaire. Autrement dit, une bonne synthèse des différentes idéologies présentes au sein de l’Eurogroupe.

> Trouver sa place au milieu du couple franco-allemand

Pierre Moscovici a prévenu, dimanche 20 janvier : il adoube, certes, Jeroen Dijsselbloem, mais celui-ci devra s’efforcer de "rester dans la continuité de ce qu’a fait Jean-Claude Juncker". Le prédécesseur de Jeroen Dijsselbloem était l’un des rouages les plus anciens de la zone euro, dont il était l’argentier en chef depuis 2005.

Mais le Luxembourgeois a peiné à se dégager de l’axe Paris-Berlin. La crise de l’euro a ainsi renforcé le rôle des dirigeants des grands pays de l’union monétaire au détriment de représentants supranationaux, comme Jean-Claude Juncker.

En novembre dernier, l’institut Bruegel, un think tank européen, s’est amusé à éplucher les appels téléphoniques européens de Timothy Geithner, le Secrétaire au Trésor américain, entre janvier 2010 et juin 2012, c’est-à-dire la période durant laquelle la crise de l’euro était à son apogée. Résultat : Timothy Geithner a passé 58 coups de téléphone au président de la Banque centrale européenne, 36 à Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, 32 aux différents ministres français de l’Economie et des Finances……Et seulement trois à Jean-Claude Juncker !

A Jeroen Dijsselbloem de se démarquer de ce dernier et de s’imposer comme un interlocuteur crédible au sein de la zone euro. Il lui faudra ainsi éviter d’être étouffé par le poids de l’Allemagne, son alliée, et de la France, l’une de ses critiques. Pour Sylvie Goulard, eurodéputée française centriste invitée dans l'émission Les Expert de BFM Business,ce lundi 21 janvier, c’est une nécessité: "L’Europe ne se résume pas à la France et l’Allemagne (…) Les gens ne se rendent pas compte de la peur de l’hégémonie franco-allemande qui règne dans beaucoup de pays. L’essentiel est donc d’avoir quelqu’un qui soit capable d’avoir le leadership et qui définisse une ligne constante, ce qui n’est pas évident".

> S'atteler dès maintenant à l'union bancaire

En dehors de ces aspects relativement politiques, Jeroen Dijsselbloem va avoir à son agenda plusieurs chantiers d’envergure. Les ministres des Finances de la zone euro devraient ainsi, ce lundi 21 janvier, discuter des modalités de la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES), le fonds de sauvetage de l’Union européenne. Une arme indispensable pour rassurer les marchés et lutter contre les doutes qui atteignent les banques de la zone euro.

Autre grand sujet : l’union bancaire. Jeroen Dijsselbloem devra conduire les débats portant autour du deuxième pilier de cette union : l’harmonisation d’un dispositif européen de garantie des dépôts bancaires. On se souvient que les négociations avaient été compliquées, concernant le premier volet de la supervision bancaire, la supervision, qui a fiété confiée à la Banque centrale européenne.

Enfin, il va devoir gérer le plan de sauvetage d’un autre pays de la zone euro : Chypre . Selon le quotidien allemand Handelsblatt, l’aide à destination de Nicosie ne serait toutefois pas versée avant mars prochain. Jean-Claude Juncker avait pourtant annoncé que ce sujet serait à l’ordre du jour de l’Eurogroupe, ce 21 janvier.

Julien Marion