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Trump lance les sanctions contre l'Iran

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Donald Trump présente la relance des sanctions contre l'Iran comme un film à grand spectacle

C’est une véritable affiche de film que la Maison Blanche a publié sur les réseaux sociaux, à 24 heures du retour des sanctions contre l’Iran, et à 72 heures d’un vote important aux Etats-Unis sur le renouvellement de la Chambre des représentants et d’un tiers du Sénat. S’il y avait le moindre doute, il est levé : l’affaire iranienne est aussi une affaire électorale intérieure.

Dans le détail les sanctions sont plus complexes et la Maison Blanche a dans le même temps publié plus discrètement une série de modalités et de dérogations qui précisent la portée de ces sanctions et en allègent singulièrement le poids dans un premier temps. Le pétrole et les banques en sont les principales cibles : « l’objectif est de priver le régime des revenus qu’il utilise pour semer la mort et la destruction à travers le monde » a déclaré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo. Huit pays seront toutefois autorisés à acheter du pétrole iranien pendant au moins six mois supplémentaires « mais uniquement parce qu’ils ont fait preuve d’efforts importants pour limiter au maximum leurs importations de brut ». La liste de ces pays sera connue lundi, l’Union Européenne n’en fera pas partie, les observateurs citent la Turquie, la Corée du sud, l’Inde, le Japon et peut-être la Chine. Dans le cas de l’Inde et de la Chine, l’administration américaine préfère s’éviter un nouveau bras de fer, ces deux pays ayant affirmé à plusieurs reprises qu’ils se réservaient le droit de ne pas tenir compte des sanctions américaines.

Concrètement ces huit pays absorbent aujourd'hui la totalité des exportations pétrolières iraniennes ramenées ces dernières semaines à 1,6 millions de barils/jour. Le rythme de réduction qui sera imposé par les américains n'est pas encore connu à ce stade. Pour les experts il s'agit davantage de ménager ces pays importateurs (le Japon et la Corée du sud indispensables dans les négociations avec la Corée du Nord) que de permettre à l'Iran de continuer à exporter. Les volumes sont de toute façon très inférieurs à la production iranienne, la Chine et le Japon ayant déjà sensiblement réduit leurs importations ces derniers mois. Il s'agit aussi de réduire la pression sur les cours du brut en ménageant une offre suffisante, là encore dans l'optique des élections de mardi.

Sanctions mondiales

L’Europe à ce stade est impuissante, différents dispositifs ont été envisagés ces derniers mois pour « protéger » les entreprises qui continueraient à travailler en Iran, aucun finalement n’a été mis en place. L’Iran a pu, la semaine dernière, vendre plusieurs centaines de milliers de barils sur une bourse privée, à des acheteurs anonymes, elle promet de rééditer cette opération toutes les semaines. Les volumes sont très loin de pouvoir compenser les pertes sur les marchés internationaux où la production iranienne a pu s’écouler l’été dernier au rythme de 2,5 millions de barils/jour.

L’administration américaine assure que la mise en œuvre des sanctions sera beaucoup plus « agressive » que par le passé avec moins de dérogations et plus de contrôles, les revenus des ventes de pétrole qui restent autorisés iront sur des comptes bloqués et sont censés être utilisés uniquement pour l’achat de biens humanitaires par l’Iran. La Cour Internationale de Justice avait d’ailleurs interdit aux Etats-Unis d’éventuelles sanctions portant sur les biens de première nécessité et notamment sur les médicaments, Washington affirme que les médicaments ne sont pas concernés, dans les faits les pénuries sont déjà nombreuses à Téhéran, constatent les agences de presse présentes sur place.

Sanctions bancaires

Le secrétaire au trésor Steven Mnuchin a affirmé que 700 noms de responsables iraniens particulièrement surveillés seraient ajoutés à la liste noire américaine, et que l’Iran serait sortie du circuit bancaire international Swift, « hormis pour les transactions humanitaires ». Là encore, les Etats-Unis n’ont théoriquement aucun droit légitime de dicter sa conduite au système de compensation internationale Swift (Society for Woldwide Interbank Financial Telecommunication), mais dans les faits l’ensemble de ses recommandations sont suivies à la lettre par les dirigeants de cette institution internationale installée près de Bruxelles. De même que dans les faits, le poids du dollar dans les transactions internationales et l’importance du marché américain, interdit à toute institution financière internationale privée la moindre transaction avec Téhéran.

Le but officiel reste de faire plier l’Iran sur son programme nucléaire. Donald Trump répète régulièrement qu’il est prêt à rencontrer des dirigeants de la République Islamique pour négocier un accord global sur la base de 12 conditions américaines : des restrictions beaucoup plus fermes et durables sur le nucléaire que le texte de 2015 jugé laxiste, mais également la fin de la prolifération de missiles et des activités jugées « déstabilisatrices » de Téhéran au Moyen-Orient.

La question des missiles est au moins aussi importante que celle du nucléaire, et sur ce point non plus l’Iran ne montre à ce stade aucun signe de faiblesse. Au mois d’août dernier, le ministre iranien de la Défense dévoilait un missile balistique de nouvelle génération avec des phrases sans ambiguités : « Comme nous l'avons promis à notre cher peuple, nous n'épargnerons aucun effort pour renforcer les capacités des missiles balistiques du pays et nous défendre contre tous ceux qui voudraient porter atteinte à notre intégrité ». Les experts se divisent sur les réels buts cherchés par Donald Trump. Pour certains c’est une stratégie à la Nord-Coréenne, pousser à des négociations, pour d’autres, c’est une stratégie jusqu’au boutiste pour tenter de faire tomber le régime en place depuis la révolution islamique. L’affiche diffusée par Donald Trump, montre en tout cas que le but immédiat est bien de peser sur les élections aux Etats-Unis