BFM Business
International

UE : Paris en campagne pour réformer le droit de la concurrence

Bruno Le Maire, à son arrivé à l'Ecofin, à Bruxelles, ce mardi 12 février.

Bruno Le Maire, à son arrivé à l'Ecofin, à Bruxelles, ce mardi 12 février. - JOHN THYS / AFP

Après le mariage avorté Siemens/Alstom, Bruno Le Maire, est parti en campagne pour une réforme du droit européen des fusions. Offensive fraîchement accueillie par Bruxelles.

Profitant d'une réunion des 28 ministres des Finances de l'UE à Bruxelles, Bruno Le Maire a dévoilé trois propositions qu'il juge essentielles pour contrer la concurrence chinoise et américaine. Une initiative qui a visiblement déplu à la Commission européenne. "Je ne suis pas sûr à 100% (...) que notre politique de concurrence entrave la croissance des entreprises européennes", a rétorqué le vice-président de la Commission, Jyrki Katainen. L'ancien Premier ministre finlandais a mis en garde contre une stratégie à courte vue qui "aurait pour conséquence une augmentation des prix et une détérioration de la qualité des services et des produits", lors d'une conférence de presse au parlement européen à Strasbourg.
S'exprimant aux côtés du ministre allemand des Finances, le social-démocrate Olaf Scholz, qui n'a pas endossé ses propositions, M. Le Maire a dit qu'il discuterait ces prochains jours de la marche à suivre avec le chrétien-démocrate, Peter Altmaier, son homologue allemand à l'Economie. Ce proche de la chancelière Angela Merkel, fervent défenseur comme M. Le Maire de la fusion Siemens/Alstom, avait promis une initiative conjointe franco-allemande pour adapter le droit européen de la concurrence au 21ème siècle, qu'il juge obsolète.

"Un droit de veto pour les Etats"

M. Le Maire a tout d'abord proposé de "mettre en place un droit d'évocation qui permettrait au Conseil (représentant les 28 Etats membres de l'UE) de remettre en cause une décision de la Commission européenne en matière de concurrence", une sorte de droit d'appel. En Allemagne, ce "pouvoir d'évocation", un mécanisme permettant de contester une décision de l'Autorité nationale de la Concurrence, avait notamment été utilisé par le gouvernement du chancelier Gerhard Schröder pour que soit autorisée en 2003 l'acquisition par l'électricien EON de l'entreprise gazière Ruhrgas. Interrogé sur la proposition de M. Le Maire, M. Scholz s'est montré prudent, jugeant la question "plus compliquée" au niveau européen. 
En France, M. Le Maire a fait usage de ce droit en juillet 2018, réclamant la validation de la prise de contrôle par la société financière Cofigeo d'une partie du groupe Agriopole, propriétaire de la marque de produits alimentaires William Saurin, sans cession d'activités (contrairement à ce qu'avait demandé l'Autorité de la Concurrence).
Dans le droit européen concernant les aides d'Etat (que la Commission peut autoriser ou interdire au nom de la concurrence), une telle possibilité de veto existe déjà, mais elle doit se faire à l'unanimité des 28 Etats membres du Conseil et n'a jusqu'ici jamais été utilisée.

"Arsenal répressif" contre les Chinois

Deuxième proposition de M. Le Maire, la possibilité, pour faciliter le feu vert de la Commission à une fusion, de demander aux entreprises de suggérer plus tard, si nécessaire, des concessions supplémentaires. Cette sorte de droit ultérieur fait partie des pistes de réflexion en cours tant au niveau national qu'au niveau européen, a indiqué un expert européen à l'AFP, soulignant toutefois que cela poserait deux problèmes: une insécurité juridique pour les entreprises qui ont fusionné et un éventuel manque de ressources humaines pour surveiller a posteriori les rapprochements.
Enfin, troisième proposition du ministre français: prendre comme marché de référence le monde et pas simplement le marché européen. "Quel que soit l'avenir de ces propositions de réformes, le vrai problème que nous avons avec la Chine n'est pas un problème de concentration", a estimé Jacques Lafitte, de la société de conseil Avisa à Bruxelles.
Pour lui, "il faudrait mettre en place un arsenal répressif" contre les entreprises chinoises qui ne respectent pas les mêmes règles que les européennes, en recevant notamment des aides de l'Etat chinois alors que ces subventions sont très encadrées sur le marché unique.

La rédaction avec AFP