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Victoire de Syriza, vers une renégociation de la dette grecque?

Syriza a remporté les élections avec une large victoire.

Syriza a remporté les élections avec une large victoire. - Aris Messinis - AFP

Alexis Tsipras a remporté haut la main les élections en Grèce. Son discours concernant l'austérité est ambiguë. Il veut mettre "fin à la troïka", tout en acceptant "une coopération" avec les partenaires.

Une victoire historique qui apporte beaucoup de questions. Les Grecs ont voté, dimanche 25 janvier, en faveur du parti de gauche radicale Syriza. Ils espèrent "laisser l'austérité derrière" eux, a affirmé Alexis Tsipras, premier dirigeant européen élu sur le rejet explicite des politiques difficiles imposées par l'UE à ses membres après la crise.

Le premier discours du nouvel homme fort de la Grèce n'a pas permis de cerner clairement ses intentions. Il a en effet soufflé le chaud et le froid : "le verdict du peuple grec signifie la fin de la troïka", a-t-il d'abord lancé, évoquant les experts de la BCE, l'UE et du FMI, qui dictent à la Grèce une politique d'austérité depuis quatre ans en échange de 240 milliards d'euros de prêts pour sauver le pays de la faillite.

Mais quelques minutes plus tard, il s'est montré plus conciliant, déclarant que le nouveau gouvernement "serait prêt à coopérer et à négocier pour la première fois avec ses partenaires une solution juste, viable et qui bénéficie à tous".

Les partenaires européens d'Athènes avaient manifesté des craintes à la perspective de la victoire de Syriza.

L'UE, indiquait-on à Bruxelles, semblait vouloir envoyer des signaux à Alexis Tsipras dès ce lundi 26 janvier, lors justement d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro consacrée au programme d'aide à la Grèce. Le pays doit théoriquement en finir fin février avec le programme d'aide de l'UE, avec 7 milliards d'euros de crédits supplémentaires à la clé.

"On ne va pas échapper à une renégociation (sur la dette), la question est sur quoi va-t-elle porter : les échéances, les montants, ou les deux?", confiait dimanche à l'AFP une source européenne à Bruxelles. "Pour les montants, a-t-elle ajouté, ce sera plus difficile".

Chute de l'euro

Il est impossible pour la Banque centrale européenne (BCE) d'accepter une restructuration des titres de dette grecque en sa possession, a prévenu lundi Benoît Coeuré, membre du directoire de l'institution, après l'arrivée au pouvoir du parti de gauche radicale Syriza. "Il est absolument clair que nous ne pouvons approuver aucune réduction de la dette qui toucherait les titres grecs détenus par la BCE. Cela est impossible pour des raisons juridiques", a averti Benoît Coeuré dans une interview au quotidien économique allemand Handelsblatt.

Le mandat de la BCE lui interdit de financer les Etats européens, ce qui serait le cas lors d'une telle opération. Mais pour ce qui est des autres titres en circulation, "ce n'est pas à la BCE de décider si la Grèce a besoin d'une réduction de sa dette", a expliqué Benoît Coeuré, renvoyant la balle dans le camp politique européen.

"Il y a une double responsabilité : il faut que l'Europe montre qu'elle peut s'adapter à un changement de gouvernement, même radical (...) et de l'autre côté il faut que Alexis Tsipras respecte les règles du jeu européen", a dit Benoît Coeuré sur Europe 1. "L'Europe est dans une démarche de dialogue, de coopération avec la Grèce, il faut les aider, il faut que ça réussisse, il faut que cette expérience réussisse, c'est pour ça que les négociations, les discussions vont commencer", a-t-il dit.

Benoît Coeuré a jugé qu'il n'y avait pas de risque de contagion à d'autres pays en difficulté de la zone euro, les marchés financiers comprenant selon lui que la situation grecque est différente et que l'assouplissement de la politique de la BCE protégeait le reste de la zone euro.

Une restructuration de la dette grecque serait un mauvais signal adressé aux autres Etats de la zone euro, a déclaré le commissaire européen à l'Energie numérique Günther Oettinger après la victoire de Syriza en Grèce.

Le commissaire allemand a ajouté au micro de la radio Deutschlandfunk que le futur gouvernement grec devrait respecter les accords conclus entre Athènes et ses partenaires de la zone euro. "Si nous réduisions la dette (de la Grèce), cela enverrait un mauvais signal au Portugal ou à l'Irlande, à Chypre ou à l'Espagne", a dit Günther Oettinger.

"Pas faire de promesses illusoires"

C'est pourtant bien une réduction de cette dette gigantesque (300 milliards d'euros et 175% du PIB) qu'Alexis Tsipras veut obtenir, outre la possibilité de redonner un peu d'air aux Grecs dans leur vie quotidienne : remontée du niveau du salaire minimum de 580 à 751 euros, ou suppression de certains impôts, contre l'avis de la troïka.

Le président de la banque centrale allemande, Jens Weidmann, a exhorté Alexis Tsipras pour sa part à "ne pas faire de promesses illusoires" à ses concitoyens.

Le gouvernement conservateur d'Antonis Samaras a été sanctionné pour avoir essayé de satisfaire au maximum les exigences de réformes de la troïka depuis 2012. En effet, la facture est lourde pour la population victime d'un taux de chômage à 25%, ou de réductions de salaires drastiques.

Les marchés asiatiques ont plutôt mal réagi à l'arrivée de Syriza au pouvoir, mais sans panique : l'euro, déjà bas, a touché pendant un instant son plus bas depuis 11 ans, à 1,1098 dollar, avant de se reprendre, tandis que la Bourse de Tokyo chutait de 1,29% à l'ouverture. La Bourse d'Athènes chute de 5,5% quelques minutes après l'ouverture.

D. L. avec AFP