BFM Business
Economie

Ces métiers où le CDI est ultra-majoritaire et ceux où la précarité est forte

Les informaticiens font partie de ces métiers où près de neuf emplois sur dix sont occupés par des CDI

Les informaticiens font partie de ces métiers où près de neuf emplois sur dix sont occupés par des CDI - Matthew WMF - Wikipedia - CC

Dans une note, France Stratégie dresse l'évolution sur 30 ans des formes d'emploi dans différents métiers. Si les contrats à durée limitée se sont développés, 75% des emplois en France sont occupés par des CDI, fonctionnaires inclus.

Dis-moi quel emploi tu exerces et je te dirai quel contrat tu as. Cela pourrait être la conclusion de l'étude publiée ce jeudi par France Stratégie, un organisme de réflexion rattaché à Matignon.

Ses auteurs se sont penchés sur l'évolution des statuts dans les différents métiers sur 30 ans. Et si les contrats courts ou le travail indépendant se sont fortement développés dans certaines activités, d'autres sont restées quasiment imperméables à la précarisation de l'emploi.

Si bien que le CDI est encore clairement une norme. En ajoutant les fonctionnaires, 75% des emplois en France sont occupés en CDI, ce qui n'est pas tellement moins qu'en 1984 (77%). En fait, la bascule est surtout visible pour le travail indépendant (18% en 1984, 12% en 2016), le CDD et l'intérim (5% en 1984, 12% en 2016), en raison de la raréfaction du métier d'agriculteur sur les vingt premières années. Depuis, l'emploi non salarié a progressé deux fois plus vite que l'emploi salarié (+1,2% entre 2005 et 2016, contre 0,6%).

Ces évolutions témoignent de réalités diverses et variées selon le métier et l'activité. France Stratégie a ainsi dressé quatre "typologies".

-
- © -

1/ Les métiers où le CDI règne en maître

Dans ces professions (qui représentent quand même 47% de l'emploi total), 90% des postes sont en CDI et les contrats à durée limitée et le travail indépendant n'y "progressent que marginalement". C'est ce que France Stratégie appelle les métiers de "permanents". Sur certains d'entre eux, la part des contrats en CDI a même globalement augmenté, notamment dans l'enseignement, où entre 2002 et 2005, de nombreux enseignants contractuels ont été titularisés. Il en va de même dans la garde d'enfants, où le doublement en dix ans des places en crèche s'est traduite par une hausse des CDI.

Dans ces métiers "permanents" on trouve évidemment la fonction publique mais aussi les métiers de la banque, l'assurance et la gestion des entreprises (secrétaires, techniciens, cadres administratifs, comptables et financiers) et les ingénieurs informatiques. Faut-il considérer que les gens appartenant à cette catégorie sont bien lotis? France Stratégie met en garde contre ce jugement un peu hâtif, en rappelant qu'un statut stable ne s'accompagne pas forcément de très bonnes conditions de travail. Ainsi dans cette catégorie, on trouve aussi les vigiles et les caissières, métiers pénibles et souvent mal rémunérés. Quant aux assistantes maternelles, France Stratégie rappelle que ce sont souvent des postes exercés à temps partiel.

2/ Les métiers où le travail indépendant se développe

France Stratégie parle de "néo-artisans" et de free-lance (12% de l'emploi total). Ce groupe englobe les plombiers, les menuisiers, les électriciens, les métiers de l'information-communication, les professions paramédicales, les formateurs ou encore les graphistes (quoique France Stratégie utilise aussi le terme de "métiers à fort contenu cognitif"). Dans ces métiers, la part des indépendants a bondi de 23% en 30 ans, en raison notamment de la création du statut d'auto-entrepreneur, mais pas seulement. Les modèles économiques ont changé et les entreprises ont eu tendance à externaliser de plus en plus ces activités. Cela a notamment été le cas pour les formateurs ou les personnes travaillant dans la communication.

Ces travailleurs la jouent très souvent solo (pour 74% d'entre eux). Certains d'entre eux n'ont par ailleurs qu'un nombre restreint de clients, parfois même un seul. France Stratégie souligne ainsi que pour cette raison, 13% d'entre eux (soit 1% de l'emploi total) sont "économiquement dépendants" et n'ont ainsi que peu de marges sur leurs tarifs et leurs conditions de travail.

3/ Les métiers où le travail indépendant se réduit

Il s'agit du groupe dit des "indépendants traditionnels" qui regroupe les juristes, les commerçants, les médecins, les agriculteurs ou les patrons d'hôtels et de restaurants, soit 13% de l'emploi. Dans ce groupe, la part des travailleurs indépendants a littéralement fondu, passant de 69% en 1984 à 48%! À l'inverse des CDI (de 27 à 43%) et des CDD-intérim (de 4 à 8%). Une grande partie de ce phénomène s'explique par la chute de l'emploi agricole. "Avec la modernisation des exploitations et la diminution des surfaces cultivées, le nombre d'agriculteurs a été divisé par quatre", explique France Stratégie. Mais le nombre de salariés dans les exploitations restantes a lui été multiplié par deux.

Mais ce n'est pas tout. La disparition des petits commerces au profit des grandes surfaces explique le recul du salariat dans le commerce. À cela s'ajoute l'essor des industries agroalimentaires qui emploient désormais les 3/5e des bouchers, charcutiers et boulangers. Par ailleurs, les nouveaux médecins ont eu moins tendance à se mettre à leur compte pour exercer davantage en hôpital ou dans des centres médico-sociaux, plus nombreux avec le vieillissement de la population. Enfin dans les professions libérales, des entreprises de grande taille se sont formées, induisant davantage de recrutements en CDI.

4/ Les métiers d'intermittence

Avec 28% des emplois totaux, ce groupe englobe les ouvriers de l'industrie et du BTP, de la manutention, les vendeurs, les cuisiniers, les agents d'entretien, les métiers de l'action culturelle et sportive, ainsi que les aides-soignants. Ce sont dans ces métiers que la part des CDD/contrats d'intérim est la plus forte (22%, contre 12% en 1984), alors que l'emploi indépendant y est inexistant (1%). Ces métiers ont toujours connu une forte volatilité de la demande, une saisonnalité importante et un turn-over poussé. Mais au-delà, le cadre légal a aussi favorisé la précarisation avec la création de différents contrats: CDD d'usage dans 30 secteurs, contrat saisonnier ou encore CDD de mission.

Julien Marion