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Pourquoi la France n'est pas près de redevenir la 5e puissance mondiale

La Grande-Bretagne (ici un supporteur anglais) a connu une croissance de plus de 2% en 2014 et 2015

La Grande-Bretagne (ici un supporteur anglais) a connu une croissance de plus de 2% en 2014 et 2015 - Martin Bureau - AFP

"Entre la mi-2013 et la fin 2015, le PIB de la Grande-Bretagne a gagné 5% de plus que celui de la France. Comment expliquer cet écart? Essentiellement par les dépenses des ménages et l'investissement."

La France va avoir du mal à revenir dans le top 5 des grandes économies mondiales. Le Royaume-Uni qui l'a détrônée en 2014 ne cesse, depuis, de faire bien mieux que sa voisine en matière de croissance: 2,2% en 2013, 2,9% en 2014 et 2,2% en 2015. La France, elle, a connu une trajectoire bien moins glorieuse: 0,7% en 2013, 0,2% en 2014 et 1,1% en 2015.

Au total, entre le troisième trimestre 2013 et la fin 2015, l'écart entre les deux pays a été de 4,9 points de croissance, calcule l'Insee. Mais comment expliquer un tel gouffre? Dans sa note de conjoncture publiée le 17 mars dernier, l'institut a apporté différents éléments de réponse.

L'Insee considère d'ailleurs que la question est d'autant plus pertinente que le Royaume-Uni et la France ont des économies très similaires. Les services, comme l'industrie, ont une taille à peu près identique. La différence notable est que dans le pays de sa majesté, terre de la City, les services financiers ont un poids plus important qu'en France (8% du PIB contre 4%). 

Une consommation plus forte outre-Manche

Mais, depuis 2013, les différentes composantes de l'économie n'ont pas réagi de la même façon. La consommation des ménages, qui avait eu du mal à redémarrer au Royaume-Uni après la crise de 2008, a décollé. Elle a progressé de 4,6% du troisième trimestre 2013 à la fin 2015, contre 1,2% pour la France. L'écart a donc été de 3,4%. Plusieurs nuances doivent être apportées; car le pouvoir d'achat des Britanniques n'a pas progressé beaucoup plus que celui des Français (5,4% contre 4%).

En fait, la consommation des ménages britanniques a été forte pour deux raisons principales. La première est qu'ils ont réduit "leur épargne de précaution", à savoir l'argent qu'ils mettent de côté en cas de coup dur. Or l'emploi s'est fortement repris en Royaume-Uni (+5% contre +1% en France). Si ce dynamisme a eu pour effet de réduire le chômage (qui est passé d'un peu moins de 8% à un peu plus de 5%), il s'est accompagné d'une faible hausse des salaires (+1% entre la mi-2013 et fin 2015).

Mais les citoyens britanniques passant du chômage à l'emploi ont vu leurs revenus augmenter. Et les ménages se sont donc mis à réduire leur épargne pour consommer. Ce qui explique 1,4% des 3,4% de hausse de la consommation.

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Deuxième facteur: la politique monétaire. La Banque d'Angleterre a entrepris des actions très importantes pour soutenir l'économie. L'Insee souligne que sa politique s'est d'ailleurs mieux transmise que celle de la BCE. Cela a eu pour effet d'enrichir les ménages britanniques. Les taux bas ont gonflé les prix de l'immobilier et réduit le poids de leurs crédits, alors que l'endettement représente 127% du revenu disponible des ménages au Royaume-Uni contre 86% en France. Et contrairement à leurs voisins tricolores, les Britanniques empruntent beaucoup à taux variable.

Enfin, cette politique a tiré vers les hauts les indices boursiers. Or, les Britanniques possèdent bien plus d'actions que les Français, en raison de leur système de retraite par capitalisation. Ces" effets de richesse" expliquent 1,5% de la hausse de la consommation.

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L'investissement plus dynamique

Il faut aussi voir que la baisse du chômage et la politique monétaire ont eu des effets ailleurs que sur la consommation. Elles ont également poussé les ménages à investir dans l'immobilier. Ce qui explique, là aussi, l'écart de croissance avec la France. La hausse de l'investissement des ménages a été de 1% au Royaume-Uni alors qu'il s'est replié de 0,5% en France, pénalisant la croissance.

Dernière grande différence entre l'Hexagone et sa voisine d'outre-Manche: la dépense de l'État. L'investissement public a progressé de 0,4% au Royaume-Uni alors qu'il a reculé de 0,4% en France. Ce qui s'explique par le fait que "l'effort budgétaire a été deux fois plus marqué en France qu'au Royaume-Uni" depuis 2010, selon l'Insee. Au final, i'investissement global a été plus dynamique chez notre voisin britannique. 

Au total, la consommation a été plus forte au Royaume-Uni de 3,4 points, l'investissement de 2,5 point. Pour arriver aux 4,9 points de l'Insee, il faut en fait rajouter les stocks des entreprises où, cette fois, la différence est en faveur de la France de 1 point. L'écart reste toutefois énorme. Mais il devrait se réduire. L'Insee estime, en effet, que les deux pays devraient connaître des croissances similaires lors des deux premiers trimestres de 2016.

J.M.